Jean-Michel Viot, une autre idée du vin

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Jean-Michel Viot, une autre idée du vin

Jean-Michel Viot fait aujourd’hui partie des très rares viticulteurs de l’appellation Tursan à se consacrer exclusivement à la vigne… et à la coopération.

Jean-Michel Viot est viticulteur dans les Landes, sur la commune de Vielle-Tursan. Mettre son nom sur une bouteille… Pour quoi faire ? Pour lui le vin, c’est un travail collectif.

Des vallons verdoyants, des vaches et des vignes… seules ces dernières indiqueraient au visiteur distrait qu’il n’est pas en Normandie. Il est à Vielle-Tursan, commune du Sud-Est des Landes où Jean-Michel Viot a posé ses valises il y a 20 ans. « Hors cadre familial, 30 ans, pas prédisposé à l’agriculture, un bac littéraire en poche… », énumère-t-il, dressant le portrait-robot de l’anti-héros agricole. Une rencontre change la donne : « pendant mes années de jeunesse, j’avais été hébergé en gîte pendant un mois chez un vigneron de Vielle-Tursan, René Labrouche, qui m’a donné le goût au métier. » A l’époque, il ne le savait sans doute pas, mais René Labrouche sera son parrain dans la viticulture et dans le monde de la coopération. Jean-Michel Viot fait aujourd’hui partie des très rares viticulteurs de l’appellation Tursan à se consacrer exclusivement à la vigne… et à la coopération.

Le vignoble de Jean-Michel Viot, sur la commune de Vielle-Tursan.

Le vignoble de Jean-Michel Viot, sur la commune de Vielle-Tursan.

La rencontre fut déterminante, mais le cheminement progressif. L’adolescent est « sans doute un peu rebelle », selon son ami Benoît Laborde, agriculteur à Vielle-Tursan. Puis il enchaîne les petits boulots : animateurs de centre de vacances, vendeur de meubles… « comme ça se faisait à cette époque », précise-t-il. Comme pour faire du vin, il a fallu du temps au projet pour mûrir. Avant de se lancer, déjà apprendre la technique. C’est à ce moment que des liens étroits se tissent entre Jean-Michel Viot et la famille Laborde.

Puis arrive un jour l’opportunité d’un emploi salarié à la Cave coopérative des vignerons landais.  «L’avantage, c’est qu’aujourd’hui  j’ai une vue d’ensemble du process industriel et de la vie de la coopérative. Je me suis complètement approprié l’outil de travail. Puis on est dans une coop démocratique, un peu comme une grosse cuma. » Des cuma qu’il connaît bien aussi : « sans elles je n’aurais pas réussi, je n’aurais pas passé ma deuxième année d’installation », analyse-t-il. Aujourd’hui, l’intégralité de son matériel est toujours en cuma.

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Tutorat en cuma

« Et en 1993, Jean-Michel s’est lancé »,  se souvient Benoît Laborde. « Un propriétaire a décidé de vendre sur la commune de Vielle-Tursan une ferme avec 3ha, puis il a repris d’autres fermages. En parallèle, mon frère, mon cousin et moi-même, nous nous installions et montions un projet de cuma. On a créé un groupe viti dans une Cuma existantes, la cuma des Pentuts à Sarraziet. Nous étions 4 exploitations (aujourd’hui 6)  avec Jean-Michel, et nous avons démarré avec une idée un peu particulière : tout faire ensemble. Traiter. Rogner. Broyer. On faisait tout ensemble, on achetait tout ensemble. Jean-Michel démarrait, il n’avait pas de soutien familial, nous étions un peu ses guides. On a  échangé, progressé ensemble aussi. Après c’est une histoire d’hommes, une belle histoire, sans doute très banale. Mais c’est sûr, sans la coopération –la coopération des hommes, pour le matériel, l’outil industriel et la vinification-, il n’aurait pas pu le faire. »

Benoît et Eric Laborde sont aussi les neveux de René Labrouche. Pour Jean-Michel Viot, ils font partie de ces rencontres qui ont façonné son parcours : « on a monté ensemble le premier groupe tracteur de traitement en cuma du secteur. Eux ce sont de vrais paysans! Au début ils m’ont fait faire tout ce qui n’était pas trop compliqué comme les désherbage… ça a été comme un tutorat. Ils m’ont appris beaucoup de choses, m’ont donné des coups de main, et ça continue, j’ai toujours besoin d’eux. En échange, je fais les traitements de la vigne. C’est un avantage ici car quand ils font les maïs il ont une fenêtre souvent étroite. »

« L’avantage des cuma : on peut tirer le meilleur de chacun. En même temps, on ne me juge pas. Par exemple je suis très mauvais en conduite, en mécanique… malgré ça j’ai trouvé ma place à la Cuma et à la fédération. Ce qui m’intéresse, c’est le prospectif et la social ».

Réussir avec d’autres

« Il avait l’idée dès le départ de n’être que viticulteur  », remarque Benoît Laborde. « Ce n’était pas une décision facile : il s’est installé à plus de 30 ans, il n’y connaissait rien. Aujourd’hui, la protection des vignobles, avoir un produit au top, c’est son truc. Il est psdt de la commission technique à la Cave coopérative, et c’est un perfectionniste. Il a appris, à travers son parcours, que c’est important de faire les choses dans l’ordre. C’est un peu ce qui me marque chez lui : le défi, la persévérance. »

« Très souvent, raconte Jean-Michel Viot, on me demande si je n’ai pas envie de faire mon propre vin. Or ce que j’ai trouvé de magnifique dans les coopératives, c’est ce souci de ne laisser personne sur le bord du chemin, et c’est un très grand plaisir : je réussis avec d’autres. En plus les vins en coop sont plus médaillés qu’en indépendant, rigole-t-il. Je suis coopérateur dans l’âme, je crois à la coopération. Je suis administrateur à la Cuma, à la fdcuma, à la Frcuma et je suis membre du bureau à ma coop, les vignerons landais… impliqué dans la coopération au sens large du terme. »

Son plus grand plaisir ? Aller au supermarché… « et voir la ménagère de moins de 50 ans choisir mon vin dans les rayons ! Chez le grand-public, je trouve que les préjugés anti-coopératives  sont complètement anachroniques. Ils s’imaginent que faire tout petit, tout seul dans son coin, c’est mieux, dans le veine de « small is beautiful* ». Pour moi c’est l’inverse. »

En quelques dates:
1962 : naissance à Paris
1967 : sa famille s’installe dans les Landes
1982 : rencontre avec René Labrouche
1986-89 : salarié à la Cave Coopérative des Vignerons landais
1993 : installation à Vielle-Tursan
Jean-Michel Viot au naturel. Son plus grand plaisir ? Aller au supermarché… « et voir la ménagère de moins de 50 ans choisir mon vin dans les rayons !

Jean-Michel Viot au naturel. Son plus grand plaisir ? Aller au supermarché… « et voir la ménagère de moins de 50 ans choisir mon vin dans les rayons !

* Ce qui est petit est forcément beau