Les cuma ne doivent plus se cacher derrière leur tracteur

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Les cuma ne doivent plus se cacher derrière leur tracteur

L’UCPDL et Charles Bourge (président de la section 72) ont travaillé sur l’installation avec Cécile Gazo, Fabrice Gouin et Ludovic Helouin (au premier plan, de g. à d.).

En assemblée générale dans la Sarthe, l’Union des cuma s’intéressait à l’installation des agriculteurs. Elle affichait des objectifs ambitieux et proposait déjà quelques idées pour relever le défi. Face à ce dernier, toutes les cuma auront un rôle à jouer. Il va au-delà du domaine du matériel.

Le rôle des cuma sur la mutualisation des matériels est plutôt bien identifié, y compris par les porteurs de projet d’installation en agriculture. Aussi Fabrice Gouin appelle à aller « bien au dela ! Car la cuma apporte une plus-value sur d’autres aspects. » L’échange avec les voisins peut en effet avoir des retombées très positives pour l’exploitation du nouvel installé, selon le président de cuma en Loire-Atlantique. Il précise son idée avec un exemple. « Un jeune éleveur s’installe. S’il n’est pas habitué à cette récolte, il peut très bien se demander à quel moment son foin est bon à presser. Dans un groupe de cuma, on doit trouver assez facilement des gens compétents pour lui apporter une réponse pertinente, l’accompagner. » Son témoignage lors de l’assemble générale de l’Union des cuma, dans la Sarthe, fait réagir la salle.

L’installation des agriculteurs compte pour les cuma

L’expérience d’un autre responsable appuie en effet concrètement l’hypothèse. « Je me suis installé sans avoir d’expérience en élevage. Et c’est vrai que le groupe a veillé à ce que tout s’y passe bien techniquement, dès le début », se souvient Benoît Gautier. Depuis, l’agriculteur à Abbaretz (44) a pris des responsabilités dans la cuma, toujours stratégique pour son exploitation. Sur l’estrade, Ludovic Helouin prend aussi le micro. À 30 ans, soit en 2016, il s’installe sur une centaine d’hectares dans les Alpes mancelles. Pour produire 800 000 l de lait par an, son frère le rejoint deux ans plus tard. « Quinze jours après son installation, notre troupeau a subit une intoxication. En un week-end, nous avons perdu dix vaches. La fécondité est tombée à zéro. Nous avons donc renouvelé la quasi-totalité du cheptel. »

Beaucoup de jeunes adhèrent aux cuma du secteur

Autant dire que les éleveurs ont passé des années difficiles. Ludovic témoigne du soutien de la cuma, essentiel à sa réussite. Pourtant, elle-même tournait un peu au ralenti à ce moment là. Il y restait peu de matériels. « Aujourd’hui, nous avons acheté un combiné de semis 4 m, un andaineur à tapis, un plateau, une benne TP… » L’analyse de Ludovic Helouin propose une raison supplémentaire à ce regain de dynamisme. « Une chance que nous avons, comme beaucoup d’autres cuma du secteur, est que nous sommes énormément de jeunes. » Thierry Bruneau, représentant du conseil municipal et président de cuma, avec Philippe Coupard, directeur adjoint de l’Union des cuma, illustrent le dynamisme agricole et des cuma. « Depuis 5 ou 6 ans, un agriculteur s’installe tous les ans sur la commune », pose le premier. Le second complète : « En 2 ans, 80 % des cuma ici ont réalisé au moins un dinacuma. »

Les acteurs de l’installation des agriculteurs se multiplient

L’installation des agriculteurs fait partie des axes du projet politique que l’Union des cuma vient d’actualiser. L’assemblée réunie le 2 février à Assé-le-Boisne s’intéressait donc aux moyens qu’ont les cuma de favoriser ces installations. Elle évoque ainsi moult domaines d’actions concrets sur lesquels elles peuvent faire une différence. Le foncier compte parmi eux. Ainsi les cumistes présents montrent déjà quelques réponses aux alertes que lance Cécile Gazo, autre invitée de la table ronde. La doctorante en sociologie s’intéresse dans son étude à l’évolution du soutien à l’installation et des modalités d’entrée dans la profession agricole.

Elle observe tout d’abord la multitude grandissante des acteurs qui se positionnent sur l’installation des agriculteurs. « Chacun le fait en fonction de ses propres enjeux. » La sociologue lance quelques exemples. Les filières sont soucieuses de la pérennité des outils industriels et leur approvisionnement. Pour être légitimes, les OPA dépendent quant à elles du maintien d’un tissu d’agriculteurs suffisamment dense. « Même des collectivités territoriales soutiennent l’installation. L’enjeu pour elles sera plutôt le dynamisme économique local. Elles seront aussi soucieuses de l’entretien du paysage. » Les associations paysannes comptent enfin sur ce levier pour faire évoluer le modèle agricole, etc.

Les objectifs divergent

Le tour d’horizon des chiffres de l’installation dans le département avec Jean Christophe Leguillon (conseiller Chambre d’agriculture) pointe également quelques évolutions du coté des porteurs de projets eux-mêmes. De plus en plus, leur dossier doit miser sur des parades à l’investissement dans le matériel, faute de quoi ils ne sont plus acceptés. Et c’est le cas aussi pour des créations d’activité de maraîchage. Encore loin des 30 % de la production laitière, cette filière concerne toutefois « 6 % des installations sarthoises actuellement. Pour accéder au matériel ils vont surtout s’orienter vers l’occasion. » Philippe Coupard, réagit. « C’est vrai que dans les parcours d’installation, il y a toujours quelques projets de ce type. En revanche il sont un peu partout dans le département. » Sans concentration géographique, l’animateur des cuma remarque ainsi un frein à l’émergence évidente d’une solution collective d’équipement des maraîchers.

Cécile Gazo note également des évolutions dans les attentes des repreneurs. « Avant, on s’installait à la suite des parents. C’était pour toute une carrière. » Or, ce n’est plus obligatoirement le cas. À l’extrême, l’activité agricole devient pour certains « une étape dans leur carrière professionnelle. Il y a des modèles qui se développent pour faciliter ces entrées et les sorties. » En même temps, les startups de l’installation répondent par exemple aux porteurs de projet qui rencontrent plus de difficultés du fait qu’ils ne sont pas issus du milieu agricole. Ce sont autant d’acteurs qui complexifient l’écosystème du soutien à l’installation. « Ces startups arrivent sur ces marchés. Pour leur part, c’est avec des objectifs d’épanouissement personnel et professionnel ou d’impact sur les pratiques agroécologiques », poursuit Cécile Gazo. Elle conclut à l’adresse des dirigeants de la fédération. « À vous de savoir comment votre organisation peut penser son action. »

Pour atteindre leurs objectifs sur l’installation, les cuma devront aller jusqu’à créer des vocations

Déjà les responsables de l’Union avaient bien en tête quelques uns de leurs objectifs. Ils ont notamment martelé ce 2 février : « Nous voulons qu’il y ait plus d’agriculteurs demain qu’aujourd’hui. » Aucun ne cache que cela impliquera des actions impactantes. L’Union des cuma en mène déjà. Les portes ouvertes en cuma sont un exemple. Certaines autres sont à inventer pour, bien accueillir les agriculteurs dans les groupes, favoriser activement l’accès au métier, voire créer des vocations. Cette ambition donne à retrousser bien des manches. Heureusement, quelle que soit leur taille, toutes les cuma ont la légitimité de s’attaquer à ce défi. Plusieurs élus fédératifs l’ont également répété.

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