Des reprises d’élevage en panne de financement

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Des reprises d’élevage en panne de financement

Une bonne partie des exploitations d’élevage qui vont être cédées dans les prochaines années risque de basculer vers l’agrandissement en l’absence de ressources suffisantes pour financer leurs reprises.

Dans les projets de reprises d'élevage, le rachat des bâtiments, du cheptel et des stocks bute souvent sur la frilosité des financeurs. Témoignage dans la Vienne lors de la conférence Safer.

Beaucoup d’éleveurs devraient partir en retraite dans les prochaines années. Mais une bonne partie des exploitations concernées risque d’aller vers l’agrandissement. En cause notamment, les difficultés de financement. Aujourd’hui, on considère que deux tiers des surfaces libérées vont à l’agrandissement! Dans la Vienne où s’est déroulée la conférence départementale de la Safer le 5 octobre dernier, 40% des exploitants de la Vienne ont plus de 55 ans. Cela représentent 1.800 agriculteurs. Soit 200 départs par an, pronostique Agathe Touzineau, conseillère installation/transmission à la Chambre d’agriculture.

Reprises d’élevage: le témoignage d’Alexandre

Lors de cette conférence, Alexandre Moine a fait part de son expérience de jeune agriculteur installé à Cellé-Levescault depuis un an. Il a relaté le déroulement de la reprise de son exploitation allaitante (80 vaches aujourd’hui). Sa trajectoire est celle d’un candidat ‘hors cadre familial’.

Après un bac pro menuiserie-charpente, le jeune homme s’est réorienté vers l’agriculture. «Je voulais un métier concret, en lien avec du vivant, sans routine.» Il a passé un an en apprentissage sur l’exploitation du cédant avant la reprise.

Pas de souci pour le foncier

La transmission du foncier n’a pas posé de soucis. L’essentiel des terres est loué. Et 25ha ont fait l’objet d’un portage (système d’acquisition progressive porté par la Safer pour le compte de nouveaux installés). À l’inverse, la reprise du bâtiment a été compliquée.

Le projet d’Alexandre Moine prévoyait en effet une reprise des bâtiments pour un montant de 170.000 €. Le Crédit agricole a refusé. «Nous veillons à ce que le projet puisse aboutir à un installation socialement vivable», indique Claude Quintard, responsable du réseau de proximité au Crédit agricole Touraine Poitou pour expliquer le refus de la banque.

«L’exploitation du cédant faisait 140ha, racheter dans son intégralité une exploitation comme celle-ci et espérer l’amortir sur 10 ans, c’est impossible. À moins d’avoir 50% d’apports… La seule solution, c’est de trouver des alternatives, de décaler des investissements. Le portage foncier répond à cet enjeu», complète le conseiller bancaire.

Alexandre Moine, installé depuis un an dans la Vienne en vaches allaitantes.

Un conseiller foncier de la Safer confirme les difficultés d’accès au financement rencontrées par les candidats à l’installation en élevage. Il manque des «tuyaux» pour financer la reprise du cheptel, des bâtiments, des stocks. Contrairement au foncier, un bâtiment peut faire l’objet d’aléas dans le temps, de dégradations, tempêtes…

Le risque financier encouru sur un bâtiment n’est donc pas le même que sur la terre, dont la valeur financière tend à augmenter dans le temps. Heureusement, Alexandre a trouvé une solution familiale pour boucler le plan de financement de la reprise. Mais cette possibilité n’est pas accessible à l’ensemble des candidats…

Trouver des leviers alternatifs pour les reprises

Les reprises d’élevage ont besoin davantage d’accompagnement financier. Les banques imposent de plus en plus des niveaux d’apports plus élevés que par le passé pour financer des structures de plus en plus grandes. Cela oblige à trouver des leviers de financement alternatifs.

De nouveaux partenaires interviennent dans ce registre. Comme Terre de Liens, qui acquiert grâce à de l’épargne solidaire (dons, legs ou donations), des fermes avec terre et bâtiments. L’ensemble est mis en location sur des baux de très longue durée.

Dans ce schéma, on n’envisage pas d’accession à la propriété. Les fermes ne sont pas revendues. Les types d’exploitations concernés sont essentiellement des fermes de taille modeste en agriculture paysanne, biologique et circuits courts. Actuellement, le réseau compte 300 fermes.

Autre acteur qui intervient dans ce secteur: le fonds Labeliance invest. Cette structure déploie des solutions de financement pour les porteurs de projet. Un jeune éleveur peut bénéficier ainsi par son intermédiaire d’un apport de fonds propres en complément d’autres sources de financement. Cela se traduit par une prise de participation temporaire, de l’ordre de 8 à 10 ans, dans le capital d’exploitation.

Quelques projets de reprises d’élevage en filière ovine ont vu le jour. Mais les réalisations demeurent limitées au regard des nombreuses transmissions qui se dessinent en élevage. Et les investisseurs, principalement des particuliers souhaitant investir dans des entreprises, en contrepartie d’avantages fiscaux, ne peuvent pas espérer récupérer rapidement leurs placements financiers.

Des mesures plus ambitieuses seront probablement nécessaires pour relever le défi de la transmission. Sans quoi, on risque une hémorragie du nombre d’élevages…

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