Une « fonceuse » à l’écoute

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Une « fonceuse » à l’écoute

«La seule spécificité d’être une fille dans le milieu de l’agro-équipement, c’est qu’il y en a peu.… Et peut-être aussi qu’on est plus testée sur le terrain ! »

Marie-Aure Bourgeon, fille de mécanicien agricole dans le Charolais, mettait volontiers les mains dans le cambouis à la concession. Elle est aujourd’hui consultante en agroéquipement dans la viticulture, après être passée par un bac STL et une thèse, entre autres choses. Elle vit toujours à Charolles.

Ne pas être bon en maths n’est pas une fatalité ! En témoigne le parcours de Marie-Aure Bourgeon, aujourd’hui consultante en nouvelles technologies dans le domaine de l’agroéquipement viticole. Un secteur très en pointe, pour lequel son expertise est demandée en France et à l’international, à la fois par les constructeurs de machines et de drones, des centres de formations ou des vignobles.

Elle a commencé… par tâtonner, se tromper, essayer. Elle tente d’abord un bac STL, puis un Bts dans le même domaine. « Mais les laboratoires, je ne m’y voyait pas faire carrière ! J’ai donc fait une prépa post-Bts et je suis rentrée par concours à AgroSup Dijon. »

A l’époque, il s’agit de la seule référence de la formation supérieure de l’agroéquipement, LaSalle Beauvais n’étant pas positionnée sur ce secteur comme elle l’est  aujourd’hui. « Et puis j’étais intéressée par l’élevage. Je souhaitais intégrer une école aussi polyvalente que possible pour ne pas me fermer de porte », précise-t-elle.

En écoutant Marie-Aure dérouler son parcours, on sent à la fois l’audace, fruit d’une confiance en soi acquise au fil des expériences, et des choix prudents, effectués après une bonne dose d’analyse. « Je fais ‘fonceuse’, mais j’écoute beaucoup », confirme-t-elle.

Apprendre à se faire confiance

L’agroéquipement finit par l’emporter, les stages pesant sans doute dans la balance : « En première année, je suis partie dans l’Himalaya, pour étudier le contexte de production. J’ai été confrontée aux débuts de la mécanisation, à l’arrivée des tracteurs. J’étais comme projetée 100 ans en arrière par rapport à ici. L’intégration de nouvelles techniques et technologies dans un contexte social, ce sujet m’a beaucoup interpellée. Ça a un peu conditionné la suite. »

En troisième année, elle choisit logiquement la spécialité machinisme et entame un stage en viticulture, sur le contexte d’utilisation des produits phyto. « Et je ne me suis pas arrêtée. J’ai fait un doctorat, dans une branche des nouvelles technologies : la physique optique. J’ai travaillé sur les capteurs embarqués pour la viticulture. »

« Je pense que les stages sont importants dans la construction du projet professionnel, parce que c’est ce qui fait prendre confiance en soi. C’est à ce moment-là que l’on applique les méthodes, que l’on apprend à intégrer une équipe. Le fait d’arriver concrètement à accomplir une mission que l’on nous a confiée, d’être reconnu. On commence aussi à créer son réseau professionnel, à faire la différence entre un réseau professionnel et un réseau d’amis. à appréhender ce qu’est le monde de l’entreprise, les responsabilités, la hiérarchie. C’est peut-être l’apprentissage dont on a le moins conscience : on n’analyse pas forcément sa place dans une boîte et l’importance de tous les maillons qui font que ça tourne. »

Un moteur ? « La place du machinisme agricole dans la réduction des intrants, notamment les phytos appliqués en foliaires », explique Marie-Aure Bourgeon. « Je me suis beaucoup interrogée sur ce que seraient les solutions de demain. Lors de mon stage de fin d’études, nous avons essayé d’étudier les solutions pour répondre au Plan EcoPhyto. A l’époque, quelques capteurs commençaient à faire leur apparition. Mais on ne savait pas vraiment ce qu’ils pourraient concrètement apporter à la filière viticole pour la réduction des phytos, pour améliorer la qualité des raisins, etc. C’est pour ces raisons que je me suis aventurée dans ce projet de thèse. »

Elle monte finalement ce qu’elle appelle son « business », dès 2015, année de sa soutenance : « Ce qui m’a par dessus tout motivée à me lancer, c’est de pouvoir mettre à profit toutes les compétences, tous les diplômes, toutes les casquettes que j’avais accumulées pendant mes années scolaires, ce que je ne retrouvais pas sur le marché du travail à l’époque. »

Fil rouge et réseau en or

Les financeurs, partenaires techniques et scientifiques de son doctorat, lui assurent une rampe de lancement impeccable : Conseil régional de Bourgogne, Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne, comité Champagne pour l’appui financier, Inra de Dijon et AgroSup pour la partie scientifique. « Effectivement, j’étais bien encadrée et de telles interprofessions créent un très gros réseau. » Ce n’est pas de trop, assure-t-elle, car quand on se lance, « il faut une vision à 360° du contexte. » Et ce qu’elle découvre, c’est un environnement pour le moins porteur. « Et il l’est encore, souligne-t-elle, avec la poursuite de la réduction des phytos, le développement des nouvelles technologies, l’accompagnement des utilisateurs, les vignerons, les conseillers techniques : il y a tellement à faire et nous sommes tellement peu. »

Aller voir ailleurs

Dernier ingrédient magique : « La personnalité. J’avais peut-être envie d’un nouveau défi après la thèse. »

Lorsqu’on l’interroge sur son positionnement en tant que jeune femme dans le milieu plutôt masculin du matériel agricole, la réponse arrive en deux temps. « La seule spécificité d’être une fille dans le milieu de l’agroéquipement, c’est qu’il y en a peu. On se souvient de nous plus facilement. Après, c’est la personnalité qui nous définit : ce n’est pas parce qu’on est un gars qu’on est forcément ‘ferraillou’ et parce qu’on est une fille qu’on sera plus dans la délicatesse. » Avant de concéder qu’« il y a peut-être, sur le terrain, la particularité d’être plus testée, mise au défi. Voyons le positif, ça fait réviser les bases ! » Puis en creux, une autre réponse se dessine, lorsqu’elle souhaite mettre l’accent sur ce que lui ont apporté ses expériences à l’international : « La création d’entreprise m’a permis d’encore plus me confronter ailleurs, d’aller exporter mes savoirs et conseils, et de me rendre compte que les contextes culturels sont complètement différents, la considération de la femme dans le milieu professionnel, également. A l’étranger, il y a des comportements, des remarques qui ne se font pas, des regards qui ne sont pas là. Ça, c’est vraiment bien, ça a été une super opportunité de pouvoir se tester. » 

Après trois ans d’existence, sa société Vignes Tech Consult a bien dépassé la phase de test. La croissance est au rendez-vous. Le challenge de Marie-Aure aujourd’hui ? Travailler en équipe.


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