10% de «fermes-firmes»

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10% de «fermes-firmes»

L’agriculteur de firme étend progressivement sa toile. François Purseigle estime qu’elle représente 10 % des exploitations agricoles françaises (photo wikimedia).

Comment distingue-t-on le modèle de firme agricole d’une exploitation classique? Décryptage du sociologue François Purseigle lors de l’AG des cuma des Deux-Sèvres en décembre 2018.

Le passage de l’un à l’autre est subreptice, prévient François Purseigle, devant un parterre d’agriculteurs réunis le 7 décembre 2018 à Largeasse, à l’occasion de l’assemblée générale de la fdcuma des Deux-Sèvres. On comptabilise environ «10% d’exploitations françaises aux allures de firmes», note le sociologue, sur les 450 000 exploitations agricoles recensées en France en 2013 (un nombre qui a baissé de moitié en 25 ans !). Elles représentent selon ce chercheur 28% de l’emploi agricole et 30% de la production.

Dans ces 10%, 6 ont conservé des capitaux familiaux. Il s’agit par exemple de grands domaines gérés en gardant une vocation patrimoniale. Alors que les 4 autres sont composés exclusivement de capitaux extérieurs émanant d’investisseurs privés issus de secteurs industriels ou commerciaux.

Signes distinctifs

Au-delà de l’aspect taille, les « fermes-firmes » comportent différents signes distinctifs :

  • un mode de gouvernance décentralisé avec une logique financière actionnariale, dissociant la propriété du contrôle de l’entreprise, régie sous un statut juridique sociétaire.
  •  une gestion opérationnelle privilégiant l’approche projet, sans aucune imbrication familiale dans l’entreprise, et avec une délégation totale ou partielle
  • une main-d’œuvre familiale à dominante salariée permanente
  • une innovation continue selon une stratégie d’entreprise bien définie
  • une relation directe aux filières et aux marchés (matières premières, intégration de l’aval, commercialisation intégrée avec une pleine maîtrise des flux d’informations)

Bovina, firme franco-italienne

Pour étayer son analyse, François Purseigle a détaillé l’organisation du groupe franco-italien Bovina. Celui-ci gère en direct sur des exploitations affiliées en Italie et en France (7 sites de production) la naissance de près de 700 veaux destinés à faire des broutards. Elle supervise ensuite le conditionnement de ces animaux (avec d’autres veaux achetés à l’extérieur) via des élevages intégrés. Puis Bovina, assure directement l’engraissement. Le groupe dispose ensuite de son propre abattoir et atelier de découpe et commercialise directement 20 000 animaux par an près des restaurants, grossistes, GMS…

ferme-firme : intervention de François Purseigle.

François Purseigle est intervenu à l’assemblée générale de la fdcuma des Deux-Sèvres en décembre dernier sur la place des groupes dans l’agriculture de demain.

Forces et faiblesses

Les «fermes- firmes» présentent un certain nombre d’avantages de par leur flexibilité organisationnelle, leur expertise (notariale, fiscale, stratégique) et leur capacité d’innovation. Elles sont agiles pour tirer profit des régimes fiscaux et fonciers en place (bail cessible, fonds agricoles…) et mobiliser des capitaux externes.

A l’inverse, elles ne sont pas exemptes de fragilités liée à leur gouvernance complexe (multiplicité des centres de décisions). Citons aussi parmi les menaces qui pèsent sur les fermes-firmes, l’avènement d’une nouvelle PAC qui renforcerait le contrôle des structures ou modifierait le régime d’aides. Ajoutons enfin les difficultés d’acceptabilité sociale qui conduisent à rejeter de tels modèles d’agriculture.