« Sans herbicides, le travail du sol est incontournable sur le long terme »

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« Sans herbicides, le travail du sol est incontournable sur le long terme »

Dans un système sans pesticides, ni travail du sol, les adventices prennent le dessus créant des impasses agronomiques.

Stéphane Cordeau, chercheur à l’Inrae de Bourgogne-Franche Comté, suit depuis cinq ans des systèmes de cultures sans aucun pesticide. La gestion des adventices est cruciale pour assurer le développement de la culture. Mais sans chimie ni travail du sol, l’agriculteur peut vite se retrouver dans une impasse. On fait le point avec lui.

Depuis 2018, vous suivez sur la plateforme CA-SYS, située à proximité de Dijon, quatre systèmes de cultures conduits sans aucun produit phytosanitaire. Concernant les deux systèmes en semis directs, qu’avez-vous constaté après cinq campagnes culturales ?

Le constat est différent selon les deux systèmes. Pour le premier, cultivé entre 2019 et 2023, consacré au semis direct permanent sous couvert annuel, nous sommes arrivés à une impasse agronomique due à une forte présence d’adventices graminées annuelles et vivaces. Toutefois, il faut le préciser, dans ce système cultural nous n’avons absolument pas travaillé le sol. Le fait de ne pas perturber le sol favorise les repousses des cultures précédentes et il faut revoir les schémas de rotations.

Résultat, nous avons labouré les parcelles cette année et reconçus les systèmes. Nous avions misé sur la couverture végétale pour concurrencer les adventices. Nous allons essayer d’être davantage opportunistes avec les cultures en rotation, pour tenter de répondre aux problématiques de la parcelle. L’objectif n’est plus de ne pas travailler le sol du tout mais plutôt de le faire le plus sporadiquement et plus tardivement possible.

Les résultats sont-ils plus encourageants pour le second système avec un semis direct et un travail superficiel du sol ?

Dans ce cas, nous ne sommes pas dans une impasse agronomique mais les constats sont insatisfaisants. Nous avons constaté une forte présence de chardon qui nous conduit à insérer de la luzerne dans la rotation.

Finalement, ce sont les conditions automnales humides en sol argileux qui sont les plus délicates. Les graminées adventices et repousses de cultures repiquent après scalpage et concurrencent les cultures d’automne. Les semis aux printemps ne présentent pas les mêmes limites car les conditions météo sont plus séchantes, mais le scalpage sur sol sec reste compliqué.

Pour la gestion des adventices, l’objectif de la conduite de ses systèmes est donc de parvenir à concurrencer les adventices qui s’installent et limiter les pertes de rendement. Quels sont les leviers disponibles ?

De plus, comme nous n’avons aucun pesticide à portée de main, nous constatons également des dégâts de ravageurs. Si on veut assurer le rendement de la culture, il est nécessaire de modifier les doses. Mais cela ne suffit pas. La date de semis est aussi importante et doit être la plus proche possible de la destruction des couverts.

Et enfin, comme nous n’avons aucun pesticide à portée de main, nous constatons également des dégâts de ravageurs (limaces, campagnols). Si on veut assurer le rendement de la culture, il est nécessaire de modifier les doses. Mais cela ne suffit pas. La date de semis est aussi importante et doit être la plus proche possible de la destruction des couverts.

Est-ce que la rotation des cultures permet une meilleure maîtrise des adventices ?

Dans nos études, nous avons fixé des rotations longues et assez complètes avec des alternances de cultures d’hiver et de printemps et de famille d’espèces. On mise davantage sur des séquences culturales plutôt que des rotations. Ce qu’il en ressort, c’est que ces rotations définies au préalable, nous laissent peu de liberté dans les alternatives à mettre en place. Finalement, ce sont les repousses des cultures précédentes qui gênent peut-être le plus. Nous en concluons, qu’il ne faut pas dresser de contraintes et saisir les opportunités de cultures. Une rotation longue et opportuniste peut faire réduire de 50 % la densité d’adventices. En revanche, sur le terrain, l’utilisation de phyto ne réduira que de 30 à 20 % en agriculture conventionnelle.

Pour concurrencer le couvert, on peut aussi le détruire. C’est aussi l’occasion d’éliminer les adventices. Quels sont les résultats obtenus par destruction mécanique ?

Nous avons utilisé plusieurs types d’outils tels que des rouleaux, des outils de travail du sol à dents ou animés ou encore des systèmes électriques. Ce dernier est assez efficace, sauf pour les graminées et les vivaces, qui sont très problématiques. Les rouleaux sont efficaces pour détruire les couverts mais pas les adventices.

Pour les autres outils animés, la fraise a une efficacité de destruction élevée mais c’est aussi l’outil qui perturbe le plus l’horizon de sol travaillé et stimule de nouvelles levées d’adventices. Les autres outils de travail du sol peuvent se montrer utiles mais dans le contexte automnal humide, les adventices graminées ont tendance à repiquer et repousser, prenant ainsi de l’avance sur la culture. Le travail du sol en destruction de couvert peut servir de déstockage des graines en provoquant des levées d’adventices, mais il est alors déconseillé de semer dans la foulée.

Depuis 2018, Stéphane Cordeau suit sur la plateforme CA-SYS, située à proximité de Dijon, quatre systèmes de cultures conduits sans aucun produit phytosanitaire.

Irriguer le couvert pour plus de concurrence, bonne idée ?

Le domaine expérimental de Bourgogne-Franche Comté est irrigable avec des quotas et période d’interdiction d’irriguer. « À titre expérimental, nous testons l’effet d’apport ponctuel d’eau pour sécuriser l’implantation de nos couverts et favoriser la couverture du sol et la concurrence vis-à-vis des adventices », explique l’ingénieur.

Les essais démontrent que la biomasse du couvert est augmentée, mais d’autant que celle des adventices. L’irrigation synchronise donc les levées d’adventices avec celles du couvert. De plus, dans les étés secs et chauds, l’évapotranspiration est importante et une irrigation de 40 mm d’eau peut être vite évaporée. « Il semble difficile de mobiliser ce levier de manière durable et répétée », avoue-t-il.

Et les bio désherbants dans tout ça ?

Des solutions de bio désherbants ont été testées depuis cinq ans mais les résultats sont très mitigés. D’autant qu’il n’existe que trois molécules bio herbicides et peu de produits homologués. « Leur coût est trop important aux vues de l’efficacité moyenne et de la variabilité de l’efficacité de la technique, estime l’ingénieur Inrae. En désherbage localisé pourquoi pas. Mais en désherbage en plein sur des fortes biomasses, ce n’est pas une solution viable. »

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