L’eau, c’est la vie !

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L’eau, c’est la vie !

Quatre exploitations de la région Auvergne-Rhône-Alpes se partagent un volume d'eau de 80 m3/h pour l’irrigation.

Avec le changement climatique, qui entraîne un manque d'eau chronique, les pratiques des agriculteurs évoluent et n’ont pas fini de se modifier. À Saint-Joseph et à Loire-sur-Rhône, des exploitations en cuma investissent dans l’irrigation. Pour être encore là demain…

L’eau est une denrée de plus en plus rare dans certaines régions. « Le secteur est très séchant », annonce d’emblée Jean-Luc Guyot, président de la cuma de Saint-Joseph. Les sols sableux ont une réserve utile de de 50 à 100 mm, et parfois 30 mm dans certains secteurs. 

De plus en plus fréquemment, les champs souffrent au printemps. L’impact sur le rendement, en matière sèche comme en quintaux, est immédiat. Avant, c’était conjoncturel, il fallait parfois acheter des fourrages sur pied, du foin, de l’ensilage, des céréales. Maintenant, ces recours sont récurrents, presque structurels. 

Alors, quand le Syndicat mixte hydraulique agricole du Rhône (Smahr) annonce la disponibilité d’un débit de 80 m3/h pour l’irrigation du secteur de Saint-Joseph, la décision est déjà prise. En réalité, elle était prête depuis vingt ans, date d’une précédente étude qui n’avait pas aboutie. Quatre exploitations se partageront donc ce droit d’eau. Trois laitiers dont deux en bio et un chevrier avec des cultures de pommes de terre. Pas loin de là, des exploitations irriguent déjà à partir de réserves en tête de bassin, remplies l’hiver.

Un projet territorial

Pour autant, l’eau n’arrivera pas toute seule. Sept kilomètres de réseau supplémentaire sont en effet nécessaires et constituent un investissement de 320 000 € HT. La cuma porte le projet en tant que structure collective en connexion avec l’Association syndicale autorisée d’irrigation Saint-Didier – Saint Maurice (ASA). S’ensuit une étude de faisabilité et l’instruction du dossier prévoit une large concertation. « Tout ceux qui pouvait avoir un mot à dire ont été consultés. » La liste serait longue mais on trouve bien entendu les propriétaires fonciers, la direction départementale des territoires, la communauté de communes, le conservatoire des espaces naturels, la police de l’eau. La concertation a pris un an. L’impact sur l’environnement doit être mesuré et minimisé.

Des agriculteurs se regroupent pour acheminer l'eau sur leur terrain.

Frédéric et Vincent Chevreau : « Les pluies d’hiver ne fournissaient plus assez d’eau pour remplir la retenue colinéaire. »

Finalement, tout est prêt pour l’année 2021 qui s’avère une année pluvieuse… « Cela nous a permis de prendre nos marques. » L’irrigation s’effectue au moyen d’un enrouleur ou en couverture totale car certaines parcelles font moins d’un hectare. Toutes les heures ne sont pas disponibles, le vent limite les possibilités et l’accès à l’eau n’est pas permis les mois d’été. « Cependant, cela nous donne de l’ouverture ; avec de l’eau, on fait ce qu’on veut. » Effectivement, avec un débit disponible de 80 m3/h, ce sont 20-25 ha qui peuvent être irrigués. Les prairies en profitent ainsi que le soja dérobé. Cela sécurise les semis, sans oublier les pommes de terre, l’abreuvement du bétail et tout ce qui peut en tirer un parti avantageux.

Réduction du cheptel

Quelques années plus tôt le troupeau avait été réduit par manque de ressources fourragères régulières. La situation était critique. Désormais, le champ des possibles s’ouvre, car un 1 ha irrigué, c’est 1 ha de récolte sécurisé, donc 1 ha de moins à acheter.

Bien sûr, l’eau de pluie est moins chère mais elle n’est plus au rendez-vous. Celle du Rhône est payante : 350 €/ha engagé, puis 15 c/ m2, mais très valorisante puisqu’un tour d’eau à l’épiaison de l’orge ou à la montaison du blé permet souvent 20 q/ha de plus. Cette opération n’était pas envisageable individuellement, tant à cause du montant des investissements que de la finesse de la gestion de l’eau à mettre en place. La complémentarité entre les exploitations et les hommes et femmes qui les composent prend ici toute sa force.

Les éleveurs s'associent pour fournir suffisamment d'eau à leur cheptel.

Jean-Luc Guyot, président de la cuma de Saint Joseph, dans le Rhône : « Avec l’irrigation, les semis et prairies sont sécurisés. »

Investir pour sécuriser l’accès à l’eau

À Loire-sur-Rhône, la cuma Chez Thivot a également bénéficié de reliquat du réseau de canalisation. Les temps ont changé, et surtout le climat. En 1984, la cuma se constitue autour d’une réserve collinaire de 10 000 m³, pompes et réseau enterré, pour arroser les arbres fruitiers (pêches, pommes, poires, cerises) « Cela a suffi pendant trente ans », déclarent en cœur Frédéric et Vincent Chevreau (père et fils). Grâce a l’aspersion ou à la micro-aspersion selon les espèces, on pouvait éviter le stress hydrique des arbres, gage d’une récolte régulière et correcte.

Assurer la récolte en faisant « remonter l’eau »

Mais maintenant, les pluies d’hiver ne suffisent plus pour remplir la retenue colinéaire ; l’été, l’eau manque pour les jeunes arbres. Quand l’ASA du Ban à Givors propose de disposer l’hiver de l’eau de la nappe du Rhône pour sécuriser le remplissage du bassin, les quatre jeunes, qui ont maintenant pris la suite de leurs parents, sont prêts à s’engager ensemble. L’investissement s’élève à près de 250 000 €, subventionné à 70 %. Le principe consiste à remonter l’eau sur 3 km et 200 m de dénivelé. La facture s’élèvera ensuite à 30 c/m³ d’eau.« En trois-quatre jours, la réserve se remplit. » Aucune extension de surface irriguée n’est prévue, il s’agit seulement d’assurer la récolte et d’approvisionner ses clients.

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