La robotique viticole pour mécaniser l’impossible

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La robotique viticole pour mécaniser l’impossible

Grâce à ses chenilles et son poids contenus (1300 kg), le Yanmar YV01 est capable d’évoluer dans les parcelles champenoises les plus difficiles. (Crédit / Entraid Médias)

Investissements, tests sur le terrain et développements internes, le groupe Moët-Hennessy a investi 1,6 million d’euros dans la robotique viticole depuis 2016. Pourquoi ce choix ? Qu’apporte la robotique viticole ? Rencontre avec Joseph Malfait, responsable des achats de matériels et de l’innovation pour Moët-Hennessy.

Moët-Hennessy représente la branche « vins et spiritueux » du groupe LVMH. En outre, cette société française exploite 6 000 hectares répartis dans les vignobles argentin, néo-zélandais, américain ou encore champenois. « Notre objectif est toujours de faire le meilleur vin possible, mais les contraintes en termes de climat, de types de sol ou encore de pente, sont très différentes d’un vignoble à l’autre » présente Joseph Malfait. « Dans certains cas, nous nous retrouvons face à des impasses techniques. Par exemple, en Champagne, certaines parcelles présentent des reliefs difficiles (20 à 25 % de dévers pour plus de 40 % de pente) combinées à des sols qui deviennent rapidement glissants en cas de pluie. Avant l’arrivée de la robotique viticole, le groupe s’interdisait ainsi certaines interventions pour ne pas mettre en danger les hommes et les machines, quitte à accepter de fait la perte de raisins. »

La robotique viticole ? Une réponse à une impasse technique !

Cette problématique technique champenoise a constitué le cahier des charges pour la demande de développement d’un robot à Yanmar en 2017. Ce robot devait être capable d’appliquer un traitement phytosanitaire sur les vignes les plus pentues de la Champagne, même en conditions d’adhérence précaires.

« Nous avons testé le premier robot en 2019 » raconte Joseph Malfait. « La phase d’expérimentation s’est finalisée en 2020 et nous sommes entrés en phase opérationnelle sur une saison complète en 2021. Une année très orageuse, mais le Yanmar YV01 s’en est très bien sorti. »

robotique viticole

Joseph Malfait teste des solutions robotiques dans les différents vignobles du groupe Moët-Hennessy depuis 2018. (© Entraid Médias)

Présenté officiellement au Viteff 2021, le YV01 prend ainsi la forme d’un robot enjambeur d’un rang de vigne étroite. Animé par un moteur essence Honda de 27 ch, il est piloté par un double système RTK et analyse son environnement grâce une combinaison de Lidar, capteurs ultrason, des caméras avant et arrière et des bumpers. Il embarque une cuve de 200 litres pour appliquer des doses allant jusqu’à 200 l/ha.

Le responsable est aujourd’hui pleinement satisfait de l’expérience. « L’intégration opérationnelle est aujourd’hui une réussite. Nous avons ainsi deux parcelles de 5 hectares où la pulvérisation est complètement réalisée par des Yanmar YV01. »

Les robots ne remplaceront pas les tracteurs enjambeurs…

Toutefois, la robotisation n’a pas vocation à remplacer la mécanisation traditionnelle dans toutes les parcelles du groupe Moët-Hennessy. Elle répond à un besoin spécifique dans des conditions techniques qui le sont tout autant.

D’ailleurs, il ne serait pas pertinent de comparer par exemple le débit de chantier d’un robot avec un enjambeur traditionnel. « Un robot ne va pas réinventer 80 ans d’ingénierie et de recherche dans les tracteurs enjambeurs » insiste Joseph Malfait. « Pour justifier un investissement, un robot doit proposer quelque chose de différent. L’avenir appartient aux plateformes dédiées à des problématiques définies. »

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Le groupe Moët-Hennessy utilise également le Bakus de Vitibot pour travailler le sol de ses parcelles. Au total, 12 à 15 ha sont travaillés par des robots. (© Entraid Médias)

Paradoxalement, pour faciliter le retour sur investissement, il faut maximiser le nombre d’heures de travail d’un robot. Ce qui conduit à lui demander… de se diversifier, proposer d’autres actions sur son terrain de jeu.

Ainsi, dans le cas du Yanmar YV01, « nous avons travaillé sur le développement d’une polyvalence supplémentaire avec l’arrivée du travail du sol ». En outre, le démontage du cadre de pulvérisation et l’intégration des outils de travail du sol demandent 30 minutes.

… ni les salariés

In fine, le robot est une évolution technologique comme les autres selon Joseph Malfait. « L’arrivée du sécateur électrique n’a pas remis en cause le travail du vigneron, ni son expertise dans le choix de la coupe. En revanche, cela lui a apporté du confort et de la sécurité. »

À lire : « Le manque de main d’œuvre n’est pas le principal facteur d’acquisition de robots viticoles. »

Attention cependant, l’adoption de la robotique ne se fait pas sans difficultés techniques. La principale concerne l’arpentage des parcelles. Les processus et les besoins différents d’une marque à l’autre et les cartes ne sont pas partageables entre robots. La logistique de transport des robots et la formation des opérateurs sont également à anticiper.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles issus du même dossier du Mensuel de juillet 2025 :

  • Robotique agricole : 270 h gagnées sur les préparations des lits de semences et semis. (À paraître le 29 juillet)
  • [Témoignage] Quand le bio appelle le robot. (À paraître le 30 juillet).

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