Les mycotoxines: un risque à gérer en élevage bovin

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Les mycotoxines: un risque à gérer en élevage bovin

Les bonnes pratiques d’ensilage (propreté à la confection du silo, tassage énergique, fermeture hermétique et immédiate dès la fin du chantier) et de désilage (avancement rapide du front d’attaque, entrées d’air limitées) sont très importantes pour contenir le développement des moisissures indésirables et donc potentiellement des mycotoxines dans le silo.

Quand la production du troupeau chute ou que sa fertilité se dégrade, la présence de mycotoxines dans la ration à base de maïs peut être une cause, souvent mise en avant. Cependant l’identification des causes réelles est complexe. Les références scientifiques sont parfois insuffisantes. Le point avec Arvalis qui conseille avant tout de se rapprocher de son vétérinaire.

Le maïs porte couramment une dizaine d’espèces de champignons du genre Fusarium. Ils ont la capacité de produire des mycotoxines. Si la culture se destine à cet usage, celles-ci pourront donc se retrouver dans le fourrage, sans que celui-ci ne soit visiblement moisi. Pour autant, une première idée rassurante est à garder à l’esprit en la matière. Malgré cette présence relativement courante, dans le cas général, «les mycotoxines provenant du champ ne constituent pas en soi un danger.» Béatrice Orlando est ingénieure spécialiste de la qualité sanitaire chez Arvalis. Elle insiste là sur une confusion fréquente, qu’il est important d’éviter. Elle ajoute toutefois une condition. Il n’y a pas de danger, «dès lors que les niveaux rencontrés sont acceptables au regard des études disponibles et de la réglementation en vigueur.»

Pour la nutrition animale, seules les aflatoxines font l’objet d’une réglementation. D’autres mycotoxines font l’objet de recommandations (voir tableau). Enfin, certaines toxines sont simplement activement surveillées par l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments). D’autres toxines de Fusarium ne sont pas réglementées. C’est le cas par exemple de la beauvericine. Ses propriétés antibactériennes peuvent influer sur le bon fonctionnement de la flore ruminale. En l’absence de données toxicologiques, il est impossible à l’heure actuelle, d’interpréter les niveaux de contamination retrouvés dans une ration.

Mycotoxines: les références manquent parfois sur ce sujet très complexe

Le professeur Jean-Denis Bailly, de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, apporte une précision. L’impact de ces substances sur les animaux dépend de plusieurs facteurs «Des mycotoxines différentes n’ont pas les mêmes effets. D’autre part, toutes les espèces n’ont pas la même sensibilité à une toxine donnée.» Jean-Denis Bailly prend l’exemple des toxines de Fusarium. «Les bovins sont en général considérés comme tolérants à ces composés.» En effet, le rumen a une capacité de les détoxifier. C’est à dire qu’il les transforme en molécules peu ou pas toxiques. Ainsi, ces toxines doivent être présentes en teneur plus importante pour générer des troubles sur des bovins que dans le cas d’autre élevage. Pour cette raison aussi, la règlementation dans ce cas est souvent plus élevée pour les ruminants que pour les monogastriques.

mycotoxines

Teneurs limites de quelques mycotoxines (μg/kg) pour l’alimentation des vaches laitières (©Arvalis)

Néanmoins, plusieurs éléments interférent avec la résistance naturelle des bovins aux toxines de Fusarium. D’une part le mécanisme de détoxification dans le rumen peut être plus ou moins actif. Par exemple, une acidose ruminale chronique fragilise les animaux. Il freine donc cette capacité de détoxification. D’autre part, la présence dans la ration d’un mélange de toxines pose souvent la question d’un éventuel effet additif ou synergique. À ce jour, les données sur ce sujet restent très limitées. C’est particulièrement vrai chez les ruminants. Cependant, il est important de garder à l’esprit que la toxicité globale d’une ration ne peut pas être estimée en additionnant des teneurs en mycotoxines différentes.

Les bonnes pratiques préservent du danger

Enfin, des toxines dites de «stockage» sont parfois présentes dans le silo. Des moisissures (Penicillium, Byssochlamys, Aspergillus…) peuvent y être amenées lors de l’ensilage à partir de terre ou de débris végétaux. Là elles risquent de générer ces aflatoxines, gliotoxines, ochratoxines, patuline, ou autre roquefortine C… Il est possible de surveiller leur développement. En effet, des laboratoires commerciaux proposent de les doser. Béatrice Orlando conseille néanmoins une nouvelle fois la prudence. Le manque de données toxicologiques ne permettra pas d’interpréter systématiquement les niveaux de contamination. La première recommandation reste de se rapprocher de son vétérinaire pour déterminer précisément le problème.

À retenir
• • Il existe peu de données scientifiques sur la toxicité des nombreuses mycotoxines connues à ce jour chez les bovins. Cependant, les données existantes permettent de conclure que :
• - La présence de mycotoxines dans le maïs fourrage et dans la ration des ruminants ne constitue pas en soi un danger, dès lors que les teneurs sont faibles (inférieures aux valeurs maxi réglementées ou recommandées par l’UE).
• - Les bovins sont considérés comme résistants aux mycotoxines de Fusarium, le rumen ayant la capacité de les détoxifier. Cependant, les animaux présentant une acidose ruminale chronique, peuvent avoir une capacité de détoxification réduite.
• • En cas de problème constaté sur les animaux, si la ration présente des niveaux de contaminations faibles en toxines réglementées/recommandées, il faut alors rechercher d’autres causes possibles (déséquilibre de la ration, autres mycotoxines non mesurées à l’analyse, présence de datura…).
• • Les bonnes pratiques d’ensilage (propreté à la confection du silo, tassage énergique, fermeture hermétique et immédiate dès la fin du chantier) et de désilage (avancement rapide du front d’attaque, entrées d’air limitées) sont très importantes pour contenir le développement des moisissures indésirables et donc potentiellement des mycotoxines dans le silo.

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