Explosion des prix : les constructeurs s’expliquent

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Explosion des prix : les constructeurs s’expliquent

Les constructeurs détaillent les raisons derrière la hausse de 30 % des tarifs des machines agricoles. (© AdobeStock)

Dans une volonté de transparence, les constructeurs expliquent l'envolée du prix des machines de plus de 30 % en 3 ans. Face à des bons de commande en chute libre en 2024, ils évoquent un tassement des augmentations de prix à 1,5 %. Sur les fortes augmentations observées entre 2020 et 2024, ils pointent le rôle des cours mondiaux des matières premières, les normes, l’Etat… et celui qui signe le chèque.

« Nos coûts de production ont augmenté de 30 à 35 % en 4 ans, logiquement, les prix des machines agricoles ont suivi », justifie Laurent De Buyer dans une interview donnée ce mercredi 8 janvier 2025 à Paris, dans les locaux du syndicat des constructeurs de machines agricoles. Se faisant, le directeur d’Axema confirme et assume les augmentations de prix appliquées sur les machines neuves de ses adhérents. Seul chiffre rassurant, « nous analysons 1,5 % d’augmentation moyenne des prix des machines en 2024 ».

Les prix des machines agricoles ne baisseront pas, malgré les matières premières

prix machines agricoles Laurent de Buyer David Targy

Laurent de Buyer (gauche) et David Targy (droite) en interview à Paris ce 8 janvier 2025.

Plus en détail, Laurent de Buyer explique que même si le cours des métaux a baissé, les fabricants ont du stock de matières achetées à des cours élevés. Ce qui a favorisé les prix élevés. « Le cours est redescendu en 2024, mais reste 50 % plus élevé qu’en 2020, ajoute David Targy, directeur des affaires économiques. L’énergie reste aussi plus chère de 47 % par rapport à 2020. Et ces cours mondiaux ne risquent pas de baisser ».

Et comme les matières premières compteraient pour 50 % du coût de revient et l’énergie 10 %, il n’y aura aucune chance d’avoir une baisse de prix des matériels liée aux cours mondiaux des matières premières. « Plus généralement, il n’y a jamais eu de baisse des prix des matériels dans l’histoire du machinisme ».

Enfin, un autre poste des coûts des fabricants risque encore moins de baisser à l’avenir, les salaires. « Suivant l’inflation, les charges salariales ont augmenté de 16 % en quatre ans. Et elles représentent 20 % du coût de revient ».

Prix des machines agricoles : la subvention une fois de plus mise en cause

Pourtant, il a pu être constaté des augmentations de prix bien plus élevées que 30 ou 35 % pour certains matériels, ensileuses, semoirs, plateaux, etc. « Ce qui s’est passé, c’est que la subvention publique est venue s’ajouter. Et soit la subvention a tiré la demande, soit elle a tiré le positionnement prix, analyse Laurent de Buyer. Ça interfère avec les pratiques du marché. Et des prix de machines ont largement dépassé les 30 % d’augmentations ».

Mais la subvention ne concerne pas tous les matériels dont les prix ont explosé. Alors pourquoi la pointer du doigt ? « Ça n’a pas aidé. Les délais, les cahiers des charges n’étaient pas bons dans France Relance. Des dispositifs ont pris beaucoup de retard et ont mis des marchés à l’arrêt. Puis, un beau jour de 2022, le gouvernement annonce en plein Sima un plan à 400 millions d’euros. Sans compter que des plans comme les PCAE sont sur des justifications verdissantes, mais avec des critères non vérifiés, comme les herses étrilles, mais avec toujours autant d’herbicides ».

Pour ou contre les subventions

« Le mieux aurait sûrement été que les agriculteurs trésorisent sur les bonnes années et que les subventions au moment où le marché se porte bien soient à zéro. Nous n’avons d’ailleurs jamais demandé à ce qu’il y ait des subventions. Ni même été consultés sur le plan France 2030 ».

Si Axema déclare ne pas militer sur les subventions, le syndicat intervient tout de même à posteriori. Comme en atteste la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), en 2020 et en 2021 puis en 2023, le syndicat s’est rapproché des pouvoirs publics. D’abord pour demander un allongement de plusieurs mois du Plan de relance post-Covid et d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) outre-mer. « Nous avons accompagné la mise en forme après la décision. Nous avons effectivement demandé des délais de relève plus long, car le guichet n’aurait pas été complètement souscrit si tel n’avait pas été le cas ».

Axema est aussi intervenu pour promouvoir le « développement de mesures incitatives pour investir dans les agroéquipements ». À ce titre, il a pu organiser des discussions informelles, transmettre des expertises ou encore des suggestions. Dans tous les cas, le syndicat assure qu’il est « loin des actions d’influence afin de pousser les pouvoirs publics à lancer des subventions en faveur des agroéquipements, la décision publique est toujours prise en amont de nos interventions ».

La fiscalité comme outil de gestion à réformer ?

Autre mal. « Le système fiscal français est aussi responsable de l’état du marché, développe Laurent de Buyer. Les règles fiscales poussent les agriculteurs à investir en fin d’année pour qu’ils diminuent leur imposition. Pourtant, il existe des mécanismes de lissage de l’impôt. Et il y a le dispositif d’épargne de précaution défiscalisable. C’est essentiel, mais ce n’est pas suffisant. Le lissage peut être allongé et le plafond d’épargne peut être relevée ».

Axema se pose là comme force de proposition, avec des idées qui pourraient être défendues au niveau de l’État. Cependant, Axema n’appuie aucun amendement fiscal et ne déclare pas faire de lobbying sur ce sujet. « Nous laissons faire là-dessus d’autres syndicats et acteurs ».

L’évolution technologique, choisie, mais aussi subie, fait grimper le prix des machines agricoles

À parts égales, trois facteurs expliquent les augmentations de prix chez les constructeurs, dit David Targy. « L’inflation sur le coût de production à l’usine, les réglementations et directives et les technologies appliquées aux nouveaux produits. Par exemple, pour le réglementaire, le freinage double ligne a fait monter le prix, de par la nouveauté technique pneumatique et les multiples composants ». Stage V, Mother regulation, freinage, etc. Même si les constructeurs ont 10 ans pour se préparer et lisser les coûts technologiques réglementaires supplémentaires, ils se justifient par une limite au-delà de laquelle ils ne peuvent plus amortir le choc.

« Les performances de nos 480 entreprises, même au plus fort des augmentations et des commandes, ont atteint 4,9 % en taux de résultat net en 2023, là où les industriels font plutôt 8 à 10 points, détaille David Targy. Ce 4,9 %, ce n’est en fait pas fantastique. Quelques entreprises ont fait de très belles performances, mais ce n’est pas un mouvement général ».

Quelles leçons des crises passées ?

Ce n’est pourtant pas la première fois que les prix des agroéquipements grimpent et que le marché se casse la figure. L’appétit des constructeurs a-t-il été trop fort ? Sont-ils si bons gestionnaires ? « Nous avions anticipé des baisses de commandes dès 2021, se souvient Laurent de Buyer. Mais alors que tous les coûts étaient haussiers pour nous, il y avait un niveau de commandes soutenu. Les marchés agricoles étaient bons. La chute de commandes s’est reportée. Le trou d’air est finalement bien plus gros qu’escompté ».

Si des PME et des grandes sociétés familiales en subissent aujourd’hui gravement les conséquences, des grandes multinationales cotées sur les marchés ont engrangé de gros bénéfices et ont pu profiter de la situation. « Pour eux, il y a des actionnaires à satisfaire et des dividendes à distribuer, tranche Laurent de Buyer. Le CA machinisme monde est de 170 milliards. La France, c’est 9 milliards… Celui qui fait la décision, c’est celui qui fait le chèque. Il y a eu un phénomène d’augmentation des prix et d’augmentation des achats. Les clients ont continué à acheter. C’est un choix conscient. Il est ce qu’il est ».

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