Un jour, peut-être, les tracteurs seront tous verts ? Ne parlons pas ici de marque, mais de l’énergie qu’ils utiliseront. C’est sur ce sujet qu’ont planché les experts du machinisme agricole. Présentés au Sénat le 31 octobre 2025, les résultats de l’étude sur la décarbonation des tracteurs proposent des alternatives au GNR. Six ont été présentées : l’électricité, le HVO (hydrotreated vegetable oil), le B100, l’e-fuel, le biogaz et l’hydrogène. Seulement, si la filière veut atteindre l’objectif de réduire de 46 % ses émissions de gaz à effet de serre, leur adoption sera longue et coûteuse.
L’hydrogène, le candidat sérieux à la décarbonation des tracteurs ?
Parmi les scénarios présentés, celui représentant une mutation du GNR vers l’hydrogène semble le plus efficace, mais aussi le plus couteux. En effet, les experts ont imaginé une offre plurielle de carburants, mais dans ce scénario, l’hydrogène prédomine à 80 % (avec 8 % d’électricité, 8 % de GNR et 4 % de GNV (gaz naturel)).
Avec ce mix énergétique, d’ici à 2050, les émissions de gaz à effet de serre seront réduites de 40 %, objectif atteint donc. D’autant qu’on profite d’une bonne autonomie pour se procurer la ressource. Cependant, le coût de cette transition est très élevé. Axema l’estime à 150 milliards d’euros pour y parvenir. Sans compter l’absence totale des infrastructures.
Un autre carburant serait-il plus adapté ?
L’autre alternative serait une utilisation majoritaire des HVO, hydrotreated vegetable oil, à 80 %. Adossé de 10 % de GNR, 2 % de GNV et 8 % d’électricité. Cette combinaison de solutions pourra permettre une réduction de 5 % des GES (moins que l’objectif), mais c’est aussi la moins couteuse.
En effet, le surcoût est évalué à environ 20 milliards d’euros. Le principal avantage de ce carburant est d’être compatible avec les moteurs existants et d’être très efficaces en matière de diminution de l’empreinte carbone. En revanche, les ressources sont limitées et concurrencées par le débouché alimentaire.
D’autres énergies en lisse ?
Bien sûr. À l’image de l’électricité qui se développe. C’est une énergie efficace, mais qui n’est réservée qu’à une certaine gamme de machines.
En effet, l’électricité demande de rouler à une faible vitesse et ne propose pas suffisamment d’autonomie pour de longs et puissants usages. C’est utile pour des machines légères. Le coût de cette transition reste élevée, estimée entre 108 et 77 milliards d’euros représentés principalement par l’achat des batteries assez onéreuses.
Le BioGNV a-t-il une longueur d’avance ?
Un constructeur de machines agricoles s’est déjà lancé dans l’expérimentation de tracteurs roulants au bioGNV. Performant dans des usages intensifs, car il permet une bonne autonomie du tracteur et un temps de charge rapide, l’essor reste limité.
Le prix d’achat reste 20 % plus élevé, la distribution de cette ressource est conditionnée à sa production. Mais surtout, le prix de rachat de la ressource est plus élevé que celui du GNR.
Faudra-t-il choisir une seule énergie ?
A priori non. Le rapport souligne la nécessité d’un mix énergétique. L’agriculteur aura besoin de toutes ces alternatives, car l’usage de leurs machines est très varié.
Cette évolution dépendra :
- des besoins des agriculteurs ;
- de la disponibilité et des réseaux de distribution de l’énergie ;
- du coût forcément ;
- de l’offre des motoristes.
Autre piste pour décarboner, le rétrofit ?
Favoriser ces nouvelles énergies avec de nouvelles motorisations tout en conservant l’architecture de son automoteur, une solution qui paraît économique et judicieuse. Elle permet, en effet, une diminution de la consommation de matières premières et donc des coûts et augmente la durée de vie des engins.
Quelques prototypes sont à l’essai. En revanche, la réglementation à venir va rendre très difficile l’adoption de cette option. Avec, notamment, la question d’une nouvelle homologation. Les tracteurs doivent ainsi repasser par la case (coûteuse et longue) de la réception routière en plus de la partie risque utilisateur. Un parcours qui risque de déstructurer la filière.
La décarbonation ne passe-t-elle pas par des tracteurs moins gourmands ?
Difficile à prédire. Même si les tracteurs consommant moins qu’il y a trente ans, la tendance est à la stagnation. Le carburant est plus efficace certes, mais la puissance des moteurs a progressé. Les normes antipollution ont souvent alourdi les tracteurs, ainsi que l’adblue.
Tellement que même si l’agriculteur travaille son sol plus superficiellement, en moins de temps, il ne prend plus toujours la peine de bien régler sa machine. Les boites de vitesse automatiques sont plus difficilement réglables et voire souvent pas bien réglées. Par ailleurs, le transport est venu ajouter une source de consommation avec l’agrandissement des exploitations et des parcellaires qui ne sont pas toujours adaptés.
Quels sont les priorités à donner pour faciliter la décarbonation des tracteurs ?
La décarbonation des machines agricoles impose quelques adaptations et projets ambitieux. Les experts dans leur rapport incitent les agriculteurs à faire évoluer leurs comportements en adoptant l’écoconduite par exemple. Ou en assurant la maintenance de leurs machines plus régulièrement ou en partageant leur utilisation. Un bon dimensionnement de leur usage pourrait ainsi permettre une économie de 15 à 20 % des émissions. Par ailleurs, la filière demande l’élaboration d’un plan biocarburants et une détaxation de ces énergies.
La distribution de ces énergies demande un accompagnement de toute la filière tout en priorisant leur accès selon les types de véhicules et transports.
Enfin, Axema estime qu’il faut faciliter et simplifier l’homologation des machines reconditionnées.
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