Des récoltes de lin de plus en plus aléatoires

Partager sur

Des récoltes de lin de plus en plus aléatoires

Si la récolte de lin est en pause, Jérôme Fourdinier sait déjà que les rendements et la qualité seront décevants.

La récolte de lin se termine dans la plupart des régions mais le cru 2023 ne s'annonce pas bon dans les Hauts-de-France. À l'image de Jérôme Fourdinier, agriculteur à Willeman, dans le Pas-de-Calais, qui compte moitié moins de balles que les récoltes précédentes. Reportage.

Avant, c’était facile de faire du lin pour les zones situées en bordures maritimes. Mais ça, c’était avant. Depuis trois-quatre années, les récoltes de lin sont plus aléatoires. Constat que partage Jérôme Fourdinier, agriculteur à Willeman, dans le Pas-de-Calais, et producteur de lin depuis longtemps. « Avant, on produisait des lins qui faisaient un mètre de haut minimum, explique t-il en mimant le niveau de la taille. Maintenant, s’ils nous arrivent aux genoux, on est contents. »

Quid de la qualité des récoltes de lin ?

À l’image de cette année, où l’agriculteur compte 16 à 20 balles de lin/ha au lieu du double « habituellement ». Sans parler de la qualité de filasse. « J’ai fait un échantillon, le lin comportait 21 % de fibres, mais ce n’est qu’un échantillon, relativise le liniculteur. Je n’ai pas pesé mes balles mais je ne me fais pas d’illusions, je ne ferai pas plus de 3 à 4 t de paille/ha. »

lin retournage

Cette année, le lin a été retourné pour être séché. Tellement peu épais, il a rouilli tout seul.

Cette déception, il l’a doit principalement au climat, devenu très incertain. Dans la région, les lins ont été semés tard, entre plusieurs averses. « On a ensuite subi une sécheresse, développe l’agriculteur. J’ai semé une parcelle début avril et le reste à la moitié du mois, je n’ai pas vu de différences. » Jérôme Fourdinier, qui partage son semoir avec un voisin, ajoute : « Ce n’était pas si tard, mais le froid n’a pas quitté la région. C’est ensuite un vent du nord-est qui s’est installé ralentissant la levée des germes. »

Fenêtres météo courtes pour les récoltes de lin

Comme le lin ne poussait pas, ce sont les altises qui sont venues se régaler des pousses encore fébriles. Bref, le lin n’a pas poussé de manière homogène et il y a eu beaucoup de pertes en cours de végétation. Si bien que la plupart des producteurs n’ont pas eu besoin de le retourner tellement il était peu épais. Mais comme pour l’achever, le lin, enfin ce qu’il en restait, arraché mi-juillet, s’est pris sur la tête plus de 150 mm de pluie en deux semaines.

« C’était de trop, il n’avait pas besoin d’autant pour le rouissage ! », fait remarquer Jérôme Fourdinier. « J’ai dû le retourner uniquement pour le faire sécher. J’ai ensuite pu profiter d’une fenêtre météo pour l’enrouler. Tout était rentré le 16 août. » Non pas sans stress: la fenêtre météo était très courte et les agriculteurs n’avaient pas atteint la moitié des surfaces à moissonner à ce moment-là.

Suréquipé

L’organisation des chantiers était donc assez compliquée pendant ces quelques jours de beau temps. « Ce n’est pas le matériel qui a manqué », estime le cultivateur, qui est aussi responsable des chantiers de lin au sein de la cuma des Trois cantons. Elle compte une arracheuse pour 361 ha, deux retourneuses et sept presses pour plus de 200 ha.

Une stratégie de suréquipement qui a ses limites puisque c’est la main-d’œuvre qui a péché. « Comme nous avions la moisson et les lins à rentrer ou à arracher au même moment, c’était difficile de trouver des chauffeurs expérimentés. Il y a même une journée où certaines presses ne fonctionnaient pas faute de chauffeur », constate Jérôme Fourdinier.

Presses-lin

La cuma a surtout manqué de main-d’œuvre pour conduire ses sept presses à lin.

Comme pour les semis, la période des arrachages a traîné sur la durée. Au sein des adhérents de la cuma, les derniers arrachages ont eu lieu le 11 août. Même si les pluies sont moins abondantes, cela n’augure rien de bon… « Un lin qui traîne jusqu’en septembre, c’est mauvais signe, estime l’agriculteur. Avec les rosées humides du matin, le lin peine à sécher et sa qualité s’altère. Ça va être compliqué de le rentrer. »

Surfaces stables

Mais il faut l’avouer, si le résultat n’est pas à la hauteur des espérances, le jeu en vaut quand même la chandelle. Le prix de la fibre est assez bon, ce qui permet de ne pas trop subir les mauvais rendements. Il n’empêche, « même si les marchés sont porteurs, cela va en décourager plus d’un », regrette Jérôme Fourdinier.

Ce dernier a décidé de ne pas implanter plus de 14 ha de lin chaque année, après en avoir semé plus de 18 avant le covid. « Ce n’est plus possible de produire du lin dans des petites terres », reconnaît il un peu chagriné.

« Et il faut faire tourner nos teillages qui ont investi ces dernières années », ajoute t-il. Ces opérateurs qui face au manque de marchandises à travailler essayent de se tourner vers d’autres cultures comme le chanvre textile, par exemple. Ou le lin d’hiver qui est plus risqué car il peut geler l’hiver. « Une autre solution serait d’irriguer le lin comme certains le font déjà, convient l’agriculteur. Mais c’est un peu un non-sens, d’autant plus que ceux qui le font ne déplafonnent pas leurs rendements. »

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :