Développement de la méthanisation agricole : une rupture en 2024 ?

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Développement de la méthanisation agricole : une rupture en 2024 ?

L'émergence de la méthanisation agricole a été vive ces dernières années. Elle pourrait néanmoins trouver en 2024 un plateau, voire un arrêt de sa croissance.

La méthanisation agricole s’est fait une place dans le mix énergétique qu’elle compte bien affirmer de plus en plus. Si elle était en bonne voie de répondre aux attentes, elle se confronte désormais à plusieurs freins, dont celui du tarif.

Le développement de la méthanisation agricole est, jusqu’ici, remarquable. À tel point qu’elle s’est fait une place dans le panel de la production d’énergie en France. « La méthanisation agricole n’est plus une goutte d’eau », confirme l’AAMF, en conférence de presse mi-février. L’association des agriculteurs méthaniseurs de France l’affirme : « Nous ne sommes plus seulement vus par les agriculteurs. » Par son volume de production et puisqu’elle offre notamment l’avantage d’être pilotable, « auprès des opérateurs des réseaux, la méthanisation pèse. » Le vice-président de l’AAMF, Mauritz Quaak, souligne que le constat vaut aussi bien du côté de l’électricité que du gaz.

Le potentiel de développement du biogaz est agricole

Au premier janvier, plus de 1 500 sites de méthanisation seraient en effet en service. Ils seraient un peu plus de 500 à injecter dans le réseau de gaz. Mauritz Quaak apporte une précision. Presque 450 de ces unités en injection « sont des méthanisations agricoles, individuelles ou territoriales. Et c’est là, en agriculture, avec les agriculteurs, qu’est le potentiel de développement du biogaz. »

Le biogaz est devenu compétitif

Après avoir rappelé les atouts de la technique qui « répond sur trois piliers au développement durable. La méthanisation sert les exploitations, les territoires et la société. » Adeline Canac propose l’exemple de son exploitation aveyronnaise. « Nous procédons à des échanges avec d’autres élevages pour nous approvisionner en fumier. Sur l’ensemble des fermes concernées, nous avons calculé que nous évitions 1,5 M€ de coûts de mises aux normes pour le stockage d’effluents. Nous utilisons aussi des déchets d’une laiterie voisine. Cette gestion locale des déchets évite 31 200 km en camion de 25 t sur l’année. »

Et en termes de facture pour le consommateur, les deux représentants, s’appuyant sur l’année 2022, cassent une idée reçue. L’énergie verte ne coûte pas plus cher. D’après le vice-président des agriculteurs méthaniseurs, il y a eu l’an dernier des périodes où « le biogaz produit sur nos territoires était moins onéreux » par rapport au gaz fossile acheté sur le marché mondial. Le constat est encore plus marquant du côté de l’électricité.

« Sur 2022 : on produit à 220 €/MW, explique Adeline Canac. Or, l’électricité est beaucoup plus chère aujourd’hui. Nous avons même eu des pics à 1 000 €/MWh. C’est donc quatre fois plus cher que le prix auquel nous vendons notre électricité issue de la méthanisation en cogénération. »

Des freins malgré les signaux verts

Quoiqu’il en soit, sa compétitivité n’est pas le seul voyant vert qui ouvre la route du développement à la méthanisation agricole. « Les tendances de la programmation pluriannuelle de l’énergie nous vont bien. 20 % d’énergies vertes en 2030, c’est un bel objectif. » En même temps qu’il salue la direction, Mauritz Quaak juge qu’il est de plus largement atteignable pour la méthanisation… « À condition de se donner les outils pour l’atteindre. » Le chemin parcouru plaide en faveur du biogaz. Le démarrage de la filière injection avait été long à se dessiner. Mais aujourd’hui, sa capacité atteint 9 TWh. « Cela correspond à un réacteur nucléaire. » Avec les projets qu’il reste dans le tuyau, la capacité d’injection de biogaz va encore croître. « Dans un an, nous devrions atteindre l’équivalence avec deux réacteurs. Dans le contexte actuel, c’est plutôt intéressant », résume l’agriculteur francilien.

Adeline Canac et Mauritz Quaak

Par les voix d’Adeline Canac et Mauritz Quaak, l’AAMF affirme que « la méthanisation agricole a un rôle prépondérant à jouer dans le mix énergétique. »

Pourtant, l’inquiétude et l’incompréhension sont palpables dans les propos des énergiculteurs. Ils pointent tout d’abord un indicateur marquant et qui ne trompe pas. Il n’y a plus de projets qui se déclarent. Dans la mesure où les porteurs de projet mettent environ trois ans à aboutir leur démarche, l’AAMF craint que 2024 marque une rupture dans cette croissance. Ses deux représentants identifient très vite le principal coupable : le tarif.

L’acceptation des riverains n’est donc plus le premier frein

Il y a encore deux ans, le premier frein du développement des projets méthanisation était l’acceptabilité des riverains. « Aujourd’hui, c’est tout simplement l’économie. » Le tarif qui encadre les contrats d’injection signés après 2020 n’est plus de nature à motiver les vocations d’une part. Le vice-président de l’AAMF constate une autre source du tarissement. « Les banques n’acceptent plus dossiers les financements. Ceci montre que le tarif actuel n’est pas adapté à un développement de la filière. »

Revoir le tarif pour relancer le développement de la méthanisation agricole

Sans s’attarder sur la hausse des coûts de production ou l’alourdissement des investissements, le représentant de l’AAMF pose une première demande. « Revenir à une grille tarifaire qui reprendrait celle de 2011 serait une bonne base pour avancer. » Mauritz Quaak précise l’impact par rapport à la référence actuelle. « Selon les projets, la différence de prix peut aller de 12 à 20 %. »

Adeline Canac complète : « En cogénération, nous demandons le gel de la diminution trimestrielle du tarif de 0,5 % et que pour un site en cogénération de 500 kWe soit à 240 €/MWh, comme ceux qui ont signé leur tarif en 2016. »

Sans action pour regonfler l’intérêt économique de la production, les agriculteurs craignent que la dynamique se casse, et ne puisse plus se relancer.

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