La résilience des pratiques agricoles en cuma

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La résilience des pratiques agricoles en cuma

Romane Quintin, animatrice à la frcuma Hauts-de-France, a rebondi en présentant les résultats de son enquête. Elle portait sur les adaptations des groupes face au changement climatique.

Se lancer dans l’agriculture de conservation des sols c’est bien, mais encore faut-il savoir par où commencer. C’est pour répondre à cette question que la frcuma des Hauts-de-France a organisé en début d’année plusieurs évènements dédiés à la thématique.

Suite à l’épisode caniculaire et de sécheresse de 2022, la réflexion du réseau d’agriculteurs des Hauts-de-France s’est tournée vers la résilience et l’adaptation des pratiques agricoles face au changement climatique. C’est dans cet état d’esprit que la frcuma Hauts-de-France a souhaité organiser trois temps forts. L’objectif étant d’apporter des clés de lecture de ces aléas climatiques et mettre en réseau des agriculteurs. La série d’évènements s’est ouverte le 11 janvier 2023 avec l’intervention de Frédéric Thomas pour une journée d’échange et de conférence sur l’agriculture de conservation des sols (ACS). L’occasion pour les participants de découvrir ou redécouvrir ce mode de pratiques. Et ainsi obtenir des informations pour se lancer ou s’améliorer dans l’évolution de leurs méthodes de travail.

Faire face au changement climatique

Pour rebondir sur cette thématique, deux journées locales ont été organisées le 1er et le 8 février. Un programme riche était à l’ordre du jour.  Maxime Jousserand, chargé de mission éco-développement au Centre ressource du développement durable (CERDD) a ouvert le bal.

Il est intervenu pour sensibiliser scientifiquement les participants et leur permettre une meilleure lecture des évolutions climatiques constatées dans le monde et la région.

Les réalités constatées sont régionales et il démontre des différences notables entre 1955 et 2018. On compte vingt-quatre jours de gel en moins à Boulogne-sur-Mer, une augmentation de 10 % des précipitations à Saint-Quentin, et de 9,5 cm du niveau de la mer à Dunkerque, etc.

Le rôle de l’agriculture ? Selon l’expert, il se joue dans l’adaptation des pratiques pour lutter contre le changement climatique. Le think tank The Shift Project propose trois solutions. Il s’agit notamment de « reterritorialiser » et de raccourcir les chaines d’approvisionnement. Mais aussi de revoir l’offre alimentaire en réduisant la consommation de produits d’origine animale et les pertes et gaspillages ainsi que de “décarboner” les filières.

Résultats d’enquête

Si ces constatations sont marquantes, les participants à l’événement déplorent le manque de logique globale des pouvoirs politiques face à ces enjeux. En cause : la signature de traité de libres échanges pour l’importation de viande qui mettent en difficulté les filières existantes localement.

Suite à ces observations, Romane Quintin, animatrice à la frcuma Hauts-de-France, a rebondi en présentant les résultats de son enquête. Elle portait sur les adaptations des groupes face au changement climatique.

Avec des fenêtres de tir qui se raccourcissent pour les périodes de semis, de désherbage ou de récolte, il est nécessaire que les groupes se réorganisent et réinventent leurs règles de fonctionnement. L’enquête réalisée avait pour objectif de répertorier des adaptations des groupes déjà moteurs sur ces questions.

Sont évoqués en piste de solutions, l’ajustement de la facturation pour les matériels dont l’utilisation fluctue beaucoup selon les années avec, par exemple, les bineuses.

Une autre solution peut être le regroupement de plusieurs outils dans une seule activité. Avec, par exemple, une herse étrille et une houe rotative qui selon les conditions météorologiques et pédologiques vont pouvoir être utilisées et avoir des intérêts différents pour une même fonction : le désherbage.

Témoignage terrain

Pour l’après-midi Christophe Guille, conseiller en productions végétales au Geda du Ternois, est intervenu sur l’agriculture de conservation des sols. Il la pratique depuis dix ans sur son exploitation.

D’entrée de jeu, il prévient que l’ACS ne se résume pas au semis direct. La technique remplace les outils de travail du sol par les vers de terre. L’action des racines va décompacter le sol et améliorer leur fertilité en profondeur.

L’enjeu essentiel est de développer et maintenir la vie du sol. Pour cela, il précise qu’il ne faut pas hésiter à intervenir mécaniquement dans les endroits tassés pour limiter l’asphyxie du sol.

Christophe Guille ne cache pas que la transition vers l’ACS n’est pas facile. Il faut reconstituer la vie du sol pour qu’elle soit en capacité de faire son action mécanique. Et cela demande du temps.

Pendant les cinq premières années, la perte en rendement se fait sentir car le sol n’est pas encore en capacité de prendre la matière organique qui lui sera donnée.

Dans son cas, il a fallu dix ans pour passer de 300 kg de vers de terre à 1,5 tonnes à l’hectare. Tout comme la semelle de labour. Celle-ci n’est pas totalement disparue après dix années d’ACS. Il est donc nécessaire d’être patient pour une réadaptation du sol à des pratiques plus respectueuses de son fonctionnement naturel.

Si l’ACS n’échappe pas aux règles de l’agronomie, les gains en eau, en matière organique et en porosité du sol sont vertueux, notamment pour amortir les à-coups liés aux changements brutaux du climat.

Nouvelles cultures

Pour diversifier l’assolement et les activités d’exploitation, l’agriculteur a présenté les résultats d’essais de nouvelles cultures réalisées en 2022. Il a inséré les cultures de sarrasin, lentilles corail, chanvre (fibres ou CBD), chia, le pavot, moutarde, millet, lin oléagineux, carthame, tournesol, soja, sorgho, silphie et courge à graines.

Il reconnaît que globalement chaque culture a son lot de difficultés à appréhender pour réussir sa récolte. Certaines s’inscrivent dans des marchés de niche et l’intérêt économique peut être attractif. Cependant, il faut garder en mémoire que l’axe du réseau de revente ainsi que du marketing représente une charge de travail non négligeable.

Le goutte à goutte

Pour faire face aux à-coups climatiques, l’irrigation est également essentielle à aborder. Pierre Damageux, agriculteur a témoigné sur l’utilisation de l’irrigation par aspersion et le goutte à goutte.

Avec l’intégration de quatre forages dans la cuma, c’est 370 ha qui sont irrigués au total. Si le goutte à goutte nécessite un travail important à l’installation, il représente moins de contraintes que l’aspersion en pleine période d’irrigation. Sans compter qu’il n’est pas soumis aux restrictions d’eau.

Un autre avantage que dépeint Pierre Damageux, c’est l’efficacité d’absorption de l’eau par la plante. Il indique une meilleure efficacité du goutte à goutte sur les rendements en bio comparé au delta aperçu sur l’aspersion en conventionnel. Les pertes d’eau et l’évaporation sont moindres certes. Mais l’organisation collective demande une réflexion et des compromis. En effet, le temps d’irrigation est nécessairement plus long.

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