Carbone agricole : un marché libre avec des primes à la clé

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Carbone agricole : un marché libre avec des primes à la clé

Plus de 80 % des agriculteurs souhaitent s’impliquer dans la transition bas-carbone, selon le Shift Project.

Force est de constater que sans encadrement national ou de filière agricole, un marché libre du carbone s’épanouit de façon aléatoire. Les fermes s'en saisissent et sont payées pour leur séquestration du carbone. Une consultation du ministère de la Transition écologique se tient actuellement pour réviser la méthode du label Bas carbone. Les filières porcs, ovins et caprins entrent dans la danse.

Le carbone n’est pas à prendre à la légère. Poids plume à vélo, le sujet devient lourd quand il est agricole. Car les enjeux autour des émissions carbone sont complexes. Alors que plusieurs filières avancent dans le domaine, le ministère de la Transition écologique a ouvert, lundi 7 avril 2025, une consultation sur les conditions d’éligibilité des projets au label bas-carbone. Un travail qui prendra fin le 12 mai 2025. Sont concernées les filières d’élevage bovin ou grandes cultures. Mais il y a des nouveautés. Ovins et caprins entrent maintenant dans la méthode, sur la base de celle de Carbon Agri. Et les porcs également, sur la base du projet GEEP par l’Ifip.

Deux scénarios de références au choix pour les calculs

La méthode du label bas-carbone précise le périmètre couvert, les conditions d’éligibilité des projets, la construction du scénario de référence et les modalités de calcul des réductions d’émissions. Les porteurs de projet pourront choisir entre deux scénarios références pour le calcul des réductions d’émissions et du stockage :

  • Un scénario de référence spécifique défini par un diagnostic individuel pour chaque exploitation impliquée dans un projet, qu’il soit individuel ou collectif ;
  • Un scénario de référence générique, mais seulement pour des cas exceptionnels tels qu’un changement majeur d’orientation.

Label bas-carbone : à chacun son « marché »

Mais en attendant ces éclaircissements de méthode, cet hiver et ce printemps 2025, « on est en plein marché libre du carbone avec les contributions volontaires des entreprises ». Telle est en partie le gros de la situation du carbone agricole en France, décrite lors d’une conférence sur le carbone par Samuel Vandaele au SIA Pro le 24 février 2025.

Avec les autres intervenants, l’agriculteur et président de France carbone agri, qui regroupe 14 associations, décrivait une situation quelque peu libérale du marché du carbone en France. Entre d’un côté la prime de Tereos à min 50 €/ha, voire 100, 150 ou 200 €/ha selon le seuil de CO2 franchi à la tonne de betterave – plus de 500 agriculteurs sont engagés pour 5 ans, celle de McCain à 5 €/t en obligation de moyens, une autre de General Mills / Häagen-Dazs dans les Hauts de France, etc., les initiatives sont multiples et disparates.

Personne ne paie de crédit carbone sans preuve

Conference sequestration carbone au Sia Pro 2025

La conférence sur le marché du carbone organisée ce 24 février 2025 au Salon de l’agriculture – partie SIA Pro – a fait le plein.

Des structures sont là pour aider les agriculteurs à s’engager. Telle Carbone Farmers, qui se décrit comme « tiers de confiance » entre industriel et agriculteur. « Dans la chaîne aval, personne ne paie sans preuve d’action des agriculteurs » partage Jean-Marc Lévy, co-fondateur de cette entreprise aux 15 clients coop – négoce et 1500 agriculteurs engagés.

« Notre objectif est de maximiser les valorisations par les agriculteurs. On définit un bilan et plan d’action avec nos agronomes. Nous avons 22 salariés. On répond à trois questions : bilan actuel des émissions à la ferme, plan d’action avec quel bilan d’émissions à long terme et coût de la transition ».

Label bas-carbone : des filières qui ont mis au point des méthodes

Ce qui aide les filières industrielles à s’engager dans ces plans, c’est le cadre national adopté au travers du Label bas-carbone. En attendant les résultats de la consultation de ce printemps sur les méthodes de calcul et sur l’entrée des filières ovin, caprin et porc, les autorités ont approuvé pas moins de six méthodes de calcul, permettant aux porteurs de projets de se projeter :

  • « Carbon Agri », de l’Institut de l’élevage (Idele), qui calcule le carbone économisé en exploitations de polyculture élevage bovin ;
  • « Ecométhane », de l’entreprise Bleu Blanc Cœur, qui cible la réduction des émissions de méthane d’origine digestive par l’alimentation des bovins laitiers ;
  • « Grandes cultures », développée par Arvalis, Terres Inovia, l’ITB, l’ARTB et Agrosolutions ;
  • « Haies », conçue par la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire ;
  • « Plantation de vergers », créée par la Compagnie des amandes ;
  • SOBAC’ECO TMM, de l’entreprise SOBAC, cible la gestion des intrants.

À lire : Quelles sources de financement pour la transition carbone ?

Gré-à-gré français VS quotas carbone à l’étranger

Pour Samuel Vandaerle, « le label bas-carbone doit évoluer et être reconnu à l’international ».

Mais voilà, le modèle pris par la France n’est pas le même que celui pris à l’extérieur. « Le marché international du carbone est parti sur les quotas. Mais en France, on ne veut pas d’une marchandisation du carbone » expliquait au Sia’pro Corinne Jalade, avocate-conseil auprès des agriculteurs. « La France ne veut que soit financé que le gré à gré, que soit financé une augmentation de la captation carbone. C’est une sorte de contrat sur la séquestration. L’agriculteur doit donc démontrer dans un contrat qu’il s’y engage ».

Au moins trois ministères impliqués : agriculture, environnement, économie.

Autre conséquence, « par définition, il y a incessibilité des contrats ». Ce que déplore Samuel Vandaerle, pour qui un contrat devrait au moins pouvoir être transmis à une filiale. « Mais s’il y a cessibilité, on va vers un marché du carbone, décrit Corinne Jalade. C’est une nébuleuse juridique.

« Il y a un vrai sujet pour ne pas faire n’importe quoi, précise Samuel Vandaerle. On essaie d’avancer avec le ministère de l’Économie sur le sujet. Nous développons notamment la notion d’allocation. L’objectif est de valoriser la séquestration sur la rotation, par exemple ».

Jean-Marc Levy abonde dans ce sens. « Un compost affecte plusieurs cultures et campagnes. Ce sera intéressant de justifier de la bonne allocation et de pouvoir la reporter en comptabilité ».

Label bas-carbone : l’Europe s’en mêle

Autre information de cette conférence hivernale, l’Europe semble s’intéresser au sujet. « Le sujet politique est sur la table de la Commission », indique Edouard Lanckriet, directeur chez Agrosolutions. Le label bas-carbone français est solide. La France a de l’avance sur tous les pays. Mais il n’y a pas assez d’anticipation sur le modèle économique et le système de mesure à prendre.

Aussi, des réflexions sont engagées à la Commission européenne. Nous allons proposer une expérimentation sur un outil et des règles d’allocation ».

D’après le rapport du Shift Projetc, plus de 80 % des agriculteurs souhaitent s’investir dans la transition bas-carbone.

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