Adhérent ou prestation pour conduire les machines ?

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Adhérent ou prestation pour conduire les machines ?

Attention à la requalification en "travail dissimulé", examinée en cas de contrôle ou d'accident.

La question est sensible : les responsables de cuma ont-ils le droit de recourir à de la main-d’œuvre "sèche" pour conduire les machines ? Qu’il s’agisse d’un adhérent ou d’une prestation d'"autoentrepreneur", les conditions sont strictes. On fait le point.

En cas de pic d’activité, il est tentant de faire conduire les machines chez les adhérents par l’un d’entre eux. Et dans certains secteurs se développe une offre de chauffeurs en autoentreprise, en prestation. Ces deux solutions, qui consistent à recourir à de la main-d’œuvre « brute », peuvent être facilement requalifiables en « travail dissimulé » en cas de contrôle ou d’accident. Voici donc le cadre légal pour chacune d’entre elles, pour rester dans les clous.

En interne : entraide ou contrat ?

L’entraide ne s’entend, légalement et pour les assurances, qu’entre agriculteurs. Donc pas entre la cuma et un adhérent. Elle ne doit pas donner lieu à lien de subordination (lire encadré ci-contre), et pas non plus de contreparties, financière ou en nature. Mais à une réciprocité entre agriculteurs.

Pour les responsables de la cuma, il existe deux possibilités pour faire conduire un adhérent : la conclusion d’un contrat de travail, ou bien d’un contrat d’entreprise.

Contrat d’entreprise : on vient avec ses machines

Le contrat d’entreprise (qui dépend du Code civil et non du Code du travail) vient encadrer un « louage d’ouvrage« , c’est-à-dire une prestation réalisée en toute indépendance, d’une partie pour l’autre, en étant autonome et libre de ses horaires. La rémunération est indexée sur le travail fourni et non au temps passé. Le matériel doit être celui de l’entreprise… qui exécute les travaux.

Contrat de travail : le plus sécurisant

La signature d’un contrat de travail reste la voie la plus sécurisante et la plus simple pour les deux parties. Le contrat repose sur le triptyque travail / rémunération / subordination.

Si l’adhérent/salarié est aussi responsable de la cuma, il convient d’encadrer la relation pour qu’il ne devienne pas son propre employeur. Pour les pics d’activité prévisibles d’une année sur l’autre, il existe même la possibilité de signer un CDI intermittent.

Prestation d’autoentrepreneur : c’est interdit

Là, c’est simple : dans le secteur agricole relevant de la Mutualité sociale agricole (MSA), « le statut d’autoentrepreneur n’est pas autorisé, » résume la sécurité sociale agricole.

Elle développe : « les entreprises qui se limitent à la mise à disposition de personnel auprès d’entreprises utilisatrices s’exposent à une requalification en prêt de main-d’œuvre illicite. »

« Il en est de même pour les faux entrepreneurs indépendants qui s’exposent à une requalification en salariat, dès lors que les critères relatifs au contrat de travail sont réunis. »

Lien de subordination = contrat de travail

Prestation ou exécution d’un travail ? Cela paraît peu différent, mais c’est en prouvant qu’il y a un lien de subordination entre un donneur d’ordre et un exécutant que la justice prouve la dissimulation du travail. Ce lien existe quand une personne/entité donne des directives à une autre, contrôle leur exécution et peut en sanctionner le non-respect. L’utilisation du matériel de la cuma, et le fait de demander de « rendre compte » sont aussi des éléments utilisés dans la jurisprudence (= les argumentaires utilisés dans les décisions de justice passées) pour prouver le lien de subordination.

Les sanctions

Toute infraction à l’interdiction du travail dissimulé (lien) est punie de 3 ans d’emprisonnement et d’une amende 45 000 € (5 ans et 75 000 € si la personne est mineure). Pour les cuma, en tant que personne morale, l’amende est multipliée par cinq.

En résumé

  • L’entraide : uniquement quand un adhérent demande à un autre adhérent de conduire à sa place. Elle implique une réciprocité.
  • Les responsables de cuma peuvent sécuriser le fait de faire travailler un adhérent en signant un contrat de travail ou un contrat d’entreprise.
  • Le statut d’autoentrepreneur est interdit dans le secteur agricole, et facilement requalifiable en travail dissimulé.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :

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