Et si l’agriculteur de demain était une agricultrice?

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Et si l’agriculteur de demain était une agricultrice?

De gauche à droite: Céline Berthier, Maud Bénézit, Guilaine Trossat, Marion Boissier, Fanny Demarque et Florie Salanié racontent le sexisme dans le monde agricole.

Quand on pense transmission d’exploitation, l’image type du porteur de projet correspond rarement à une personne de genre féminin. Photo utilisée, vocabulaire employé... Tout ramène à l’image du candidat plutôt qu’à la candidate à l’installation.

Ces stéréotypes ont la peau dure. Pour preuve: l’appel à témoignage réalisé au sein du réseau des cuma et dans des réseaux agricoles voisins, pour réaliser ce guide, n’a donné lieu à aucun contact auprès de jeunes femmes (hors couple) en première intention alors que le dernier recensement agricole atteste que le pourcentage de cheffes d’exploitation/agricultrice est stable à 26%, avec un taux d’installation d’environ 39% de femmes.

Ainsi, face à l’immense défi qui s’ouvre à elle, l’agriculture a-t-elle les moyens de se passer de la moitié de la population pour piocher dans son vivier de repreneurs et repreneuses?

Pour cela, c’est tout un regard porté sur les femmes (et pas seulement en agriculture) qui doit changer en France, quand dans des sociétés d’agriculture vivrière, ce sont au contraire les femmes qui portent la production agricole.

Du haut de ses 19 ans, Océane Balland a choisi ce métier depuis longtemps. Pourtant, cette jeune céréalière installée en Haute-Saône a dû se battre pour y arriver, convaincre et affronter les moqueries: «Il y a beaucoup trop de préjugés sur les femmes en agriculture», déplore-t-elle. Elle raconte son quotidien sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram et Youtube) depuis déjà 5 ans, un moyen pour elle de défendre l’agriculture au féminin.

Cet article est tiré du Guide pratique « Laissez-nous devenir agriculteurs », le Guide pratique Management 2022 d’Entraid.

Agricultrice: prouver que l’on est capable

Les paysannes en polaire, comme elles se définissent elles-mêmes, lui font écho à travers leur bande dessinée intitulée «Il est où le patron?», et publiée en mai dernier. «Systématiquement, quand les hommes venaient à la ferme, ils demandaient: «Il n’est pas là, le patron?», raconte Maud Bénézit, illustratrice et co-autrice du livre.

Ces femmes rurales voulaient prendre la parole, quand les hommes et les citadins le font trop souvent à leur place. Elles se sont réunies à 6 pendant trois ans pour construire le scenario à partir de situations vécues ou entendues. «Être paysanne, c’est devoir faire ses preuves, prouver que l’on est capable. Cela prend beaucoup d’énergie», analyse Maud Bénézit, consciente aussi que l’agriculture n’est pas forcément un univers plus sexiste qu’un autre.

Le passage par la fiction a permis aux autrices de prendre du recul ; le recours à l’humour a constitué une arme pour réagir face à un sexisme ordinaire. Au fil des pages et au gré des saisons, dans un petit village de moyenne montagne, trois femmes paysannes se rencontrent, s’entraident et se lient d’amitié. En partageant leurs expériences, ces femmes se donnent la force de faire entendre une autre voix que celle du patriarcat.

« Il est où le patron? »: une BD à succès

Six mois plus tard, l’accueil de la BD dépasse toutes leurs espérances et la sphère agricole, avec plus de 10.000 exemplaires vendus, un passage sur Arte et Brut, une audience à la Commission agricole du Parlement européen dans le cadre de la Semaine du genre en milieu rural…

Autre exemple d’organisation: l’émergence de groupe d’agricultrices en non-mixité choisie, pour se former techniquement et échanger sur des pratiques professionnelles. Les Civam comptent 12 groupes à travers la France sur des thèmes variés (conduite de tracteurs, élevage durable, conciliation famille/travail agricole…).

Les participantes apprécient ces espaces pour libérer la parole, renforcer la confiance en elles et leur autonomie, sortir de l’isolement.

couverture bd il est ou le patron

Les NIMA, autres exclus des candidats idéaux

Les personnes Non Issus du Milieu Agricole (ou NIMA) voient aussi s’élever de nombreux freins à leur projet d’installation. En cause: les idées-reçues auxquelles ils doivent faire face, illustrées par les noms d’oiseaux dont les affublent les cédants ou les agriculteurs en place. Les réseaux sociaux en témoignent.

«S’ils arrivent à faire le boulot, cela sera déjà pas mal. Ils ne se rendent pas compte du travail physique. Avec des gamins en plus et pas de formation, ce sont des farfelus… ; Mâchez du chewing gum! On vous prendra! ; Il y a plein d’agriculteurs qui souhaitent transmettre mais peu de candidats sérieux.»

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