Les nouveaux agriculteurs sont souvent seuls aux commandes et délèguent beaucoup

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Les nouveaux agriculteurs sont souvent seuls aux commandes et délèguent beaucoup

Sur l'échantillon de l'étude AgriDinamo, 73% des exploitations étaient en place six ans après la phase post-installation. Crédit: New Holland

Pour des politiques de soutien publiques efficaces, le projet de recherche AgriDinamo a été lancé pour caractériser la diversité des "nouveaux" chefs d'exploitation

Quel est les profils des nouveaux agriculteurs, les « nouveaux chefs d’exploitation » ? Le secteur agricole français est confronté à un défi majeur. D’ici à 2030, près de 137 000 chefs d’exploitation pourraient prendre leur retraite sans successeur identifié. Face à cette problématique, le projet de recherche AgriDinamo, porté par l’Institut National Polytechnique de Toulouse – AgroToulouse, a été lancé. L’idée ? Typer la diversité des « nouveaux » chefs d’exploitation.

Profils des nouveaux agriculteurs : pas de standard

Pour aller au-delà des catégories classiques comme « Hors Cadres Familiaux (HCF) » ou « Non Issus du Milieu Agricole (NIMA) », l’équipe qui a porté le projet AgriDinamo a analysé un « triptyque » :

  • profil socio-démographique ;
  • projet entrepreneurial ;
  • et organisation productive.

Le projet part du constat que les installations impliquent souvent des compromis entre les ambitions des entrants et les structures d’exploitation disponibles.

L’étude révèle l’extrême pluralité des situations, rendant illusoire l’idée de profils « types ».

Six ans après, les trois quarts des nouveaux agriculteurs toujours en place

La méthodologie d’AgriDinamo a combiné une analyse quantitative nationale basée sur le Recensement Agricole de 2020 (RA 2020). Cela a permis d’identifier 12 types d’entreprises agricoles, y compris des micro-exploitations souvent négligées.

« Prudence sur l’interprétation », tempérait Geneviève Nguyen lors d’une conférence de restitution des résultats organisée par le Centre d’études et de prospectives du ministère de l’Agriculture. « Les données du recensement agricole présentent des limites concernant le repérage des contours des organisations productives d’aujourd’hui. »

Cette approche a donc été complétée par une analyse qualitative et longitudinale approfondie. L’équipe l’a menée dans les départements du Gard, de l’Hérault et de la Lozère, sur une cohorte de 587 agriculteurs, suivis pendant 6 ans en post-installation. « Six ans après le début de l’étude, 73% des exploitations étaient toujours en place, » notait Geneviève Nguyen.

Principaux résultats de l’étude AGriDinamo sur les nouveaux agriculteurs

Sur les trois grands ensembles d’exploitations identifiées à partir du recensement général agricole, le seul en croissance est celui des grandes à très grandes entreprises de production complexes. « Elles sont spécialisées, voire multi-spécialisées », observe Geneviève Nguyen, « et font souvent intervenir de la main d’œuvre salariée. » Elle souligne que « par contre, on retrouve les profils de nouveaux agriculteurs installés dans tous les types d’exploitations. »

Parmi les autres résultats, l’équipe note que le travail agricole repose de moins en moins sur le couple familial. La majorité des chefs d’exploitation travaillent désormais seuls, ayant recours de manière significative à de la main-d’œuvre salariée non familiale ou à de la sous-traitance. Ce recours permet la production agricole même sans capital propre important.

Les chercheurs mobilisés sur le projet AgriDinamo notent la polarisation des schémas d’installation. Les nouveaux actifs tendent à s’installer selon deux schémas dominants :

  • Sur de petites exploitations plutôt spécialisées, souvent travaillées en solitaire et à temps partiel (micro-exploitations, petites ou moyennes spécialisées). Ces profils sont souvent plus âgés, pluriactifs, et parfois sans formation agricole spécifique, s’orientant vers une vocation de loisir ou patrimoniale ;
  • Dans de très grandes structures complexes, diversifiées ou spécialisées. Ces installations attirent des profils plus jeunes et plus diplômés, souvent avec un capital familial significatif. Les « firmes » (grandes entreprises non familiales basées sur le salariat) attirent également de nouveaux entrants, y compris des investisseurs ou des cadres dirigeants salariés.

Complexité des profils des « nouveaux agriculteurs » installés

Parmi les autres enseignements de cette étude, l’accès à la terre peut être varié aussi bien pour les « Issus du milieu agricole » que pour les « Non issus du milieu agricole » (« Nima). Près de 80% des personnes interrogées ne se destinant pas initialement au métier de chef d’exploitation. Cela entraîne un âge moyen d’installation plus tardif pour les NIMA (32 ans contre 27 ans pour les IMA).

Les femmes sont davantage représentées parmi les Nima (40,5%) que parmi les exploitants issus du milieu agricole (20,7%) dans l’échantillon qualitatif.

L’équipe note également le rôle omniprésent du salariat et de l’externalisation. Pour de nombreux projets, en particulier les nouveaux modèles entrepreneuriaux complexes, le recours à la main-d’œuvre salariée ou externalisée est crucial.

La conception du travail évolue également. Dans l’échantillon, les reconversions professionnelles entraînent de nouvelles exigences. Notamment en matière de temps de travail (recherche d’un équilibre vie pro/perso), poussant à la rationalisation des pratiques. L’étude révèle un taux significatif de désinstallation (environ 30%) pour certains projets de petite taille et spécialisés (arboriculture, maraîchage, petit élevage). Ils sont souvent dus à des contraintes ou un décalage entre le projet rêvé et la réalité du marché.

Quid des politiques publiques ?

Cette richesse de trajectoires et la polarisation observée remettent en question l’efficacité des politiques publiques actuelles.

Suite à cette étude, l’équipe émet une série de recommandations :

  • La création d’un observatoire national des installations/transmissions pour mieux suivre cette diversité croissante ;
  • Repenser l’installation en termes d’outil de production et de promouvoir l’entrepreneuriat, la souplesse et la progressivité des parcours (ex: salariat évolutif, portage foncier) ;
  • Une adaptation des politiques publiques aux nouveaux visages du monde agricole, y compris les salariés, et d’accompagner l’accès à l’emploi salarié agricole et l’organisation du travail ;
  • Mais également d’explorer des dispositifs comme les fermes tests ou les « Registered Farm Partnerships ». Ceci pour faciliter l’expérimentation et assurer la pérennité des exploitations.

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