Trajectoires des nouveaux agriculteurs : « une légitimité professionnelle à conquérir »

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Trajectoires des nouveaux agriculteurs : « une légitimité professionnelle à conquérir »

L'originalité de l'étude Trajectoires tient à son approche qualitative profonde. Crédit: Entraid médias, PJ Delorme

L'étude Trajectoires analyse finement le parcours des nouveaux agriculteurs installés, et bouscule quelques certitudes. Ils ont déjà souvent des connexions rurales et doivent faire leurs preuves de différentes manières.

Qui devient agriculteur ou agricultrice aujourd’hui ? Pour des soutiens et réponses appropriés à cette question cruciale, les pouvoirs publics, ministère de l’Agriculture en tête, ont soutenu des équipes de chercheurs qui ont dressé par leurs travaux, les portraits, trajectoires et mode d’insertion des nouveaux agriculteurs suivant différents modes opératoires. L’étude Trajectoires apporte un éclairage inédit sur les nouveaux agriculteurs. Cette étude qualitative précise et complète des analyses plus quantitatives, comme la grande enquête AgriNovo. Les chercheuses et chercheurs suivants qui ont réalisé l’étude Trajectoires : Adeline Bouvard, Alexis Annes, Coline Kneib, Chloé Lebrun et Elsa Pibou (Université de Toulouse – EI Purpan / UMR 5193 LISST – Dynamiques rurales).

Trajectoires de nouveaux agriculteurs : pourquoi cette étude est originale ?

L’originalité de l’étude Trajectoires tient à son approche qualitative profonde. Au lieu de se limiter à des statistiques de masse, l’étude Trajectoires décortique les parcours de vie complets (professionnels, scolaires, résidentiels, familiaux) des individus.

Elle analyse comment ces expériences façonnent l’exercice du métier, en tenant compte de l’influence des caractéristiques territoriales des petites régions agricoles et en intégrant le prisme du genre pour éclairer les inégalités persistantes et renouvelées.

Topo sur la méthodologie

L’étude a ciblé deux régions du Quercy (Quercy Blanc et Rouergue). Elle repose sur 32 entretiens semi-directifs avec des agriculteurs et agricultrices « non issus du milieu agricole » (NAA), complétés par 18 entretiens avec des agriculteurs retraités pour l’historique local.

Cette méthode permet d’analyser finement comment les « capitaux » (économique, social, culturel, humain, d’autochtonie) des enquêtés influencent leur installation et leur système de production. Les résultats de l’étude Trajectoires révèlent des profils inattendus de nouveaux agriculteurs.

Principaux résultats : des liens insoupçonnés entre rural et agricole

Loin d’une rupture totale, la majorité a des expériences préalables (enfance à la campagne, formations environnementales, salariat agricole, jardinage amateur). Ils mobilisent des savoirs et dispositions préexistantes, contredisant l’image de novices déconnectés.

Ils sont aussi plus qualifiés que la moyenne des agriculteurs (près de la moitié ont un Bac+5, un tiers un Bac+2/3), apportant des compétences diverses.

Trajectoires des nouveaux agriculteurs : projet de vie et projet agricole imbriqués

L’installation est souvent une quête de sens, un engagement pour un modèle plus écologique et local, et une aspiration à un mode de vie à la campagne.

Les conjoint.e.s jouent un rôle clé, maintenant souvent un emploi extérieur, pour sécuriser le démarrage de l’exploitation.

Légitimité professionnelle à conquérir, encore davantage pour les femmes

Ne pas être « du milieu » demande aux « non issus du monde agricole » de prouver leur valeur. Le travail acharné et la persévérance sont cruciaux pour être reconnu par les pairs. Cette exigence est parfois liée à une conception traditionnelle de la masculinité rurale.

Les femmes installées seules rencontrent plus de difficultés, notamment pour l’accès au foncier et la reconnaissance professionnelle. L’articulation vie pro/perso est aussi plus complexe pour elles, impactant leur identité professionnelle.

Des systèmes « à la marge » et diversifiés… pas toujours par choix

Les fermes sont souvent en agriculture biologique, privilégient les circuits courts et la transformation.

Certains systèmes sont « à rebours » des dynamiques régionales, notamment ceux confrontés à un accès contraint aux ressources (foncier, logement).

« Quelques cas revendiquent des « micro-fermes », mais le plus souvent, c’est subi », précisait Adeline Bouvard, lors d’une conférence de présentation des résultats organisée par le centre d’Etudes et de Perspectives du ministère de l’Agriculture en juin 2025.

Cela exige un investissement en travail très élevé pour des revenus parfois fragiles, malgré des externalités positives souvent non rémunérées.

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