La fin des récoltes difficiles avec la fauche andainage?

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La fin des récoltes difficiles avec la fauche andainage?

Sur la base des tarifs de l'année précédente, la cuma facturerait à Frédéric Jolly moins de 135€/ha pour la moissonneuse et la prestation de fauche de ce champ de lin.

Dans le sud-est de la Vendée, la fauche andainage est une technique connue, historiquement avec les cultures porte-graines. Le développement de la bio lui donne une nouvelle impulsion. Rencontre avec la cuma la Pô Fourche.

La moissonneuse-batteuse, qui enfourne les cultures par bandes de 13 mètres à une vitesse de 4,5 à 5km/h, en engrange des hectares dans sa journée. Surtout qu’entre deux champs, le conducteur n’a presque rien à faire. «Par précaution, on installe juste une sangle pour soulager les ressorts», explique Frédéric Jolly. L’agriculteur vendéen préside la cuma la Pô Fourche qui, il y a trois ans, a adopté la technique de la moisson avec une fauche andainage préalable. Pour cette première opération de la chaîne de récolte, la cuma vendéenne fait appel à un prestataire, puis elle récolte l’andain avec son équipement 3m spécifique.

Le président résume: «quand on a essayé pour certaines cultures comme la lentille, même en conventionnel, on ne revient pas en arrière.» En murissant, celle-ci a en effet «tendance à se coucher. Il nous arrivait de devoir passer toujours dans le même sens pour récolter.» Au final, Frédéric chiffre que le débit de l’automotrice pouvait descendre à 1ha/h. «Et c’est du temps pénible.»

La fin des récoltes difficiles?

Avec la fauche andainage, «on monte une biomasse moins verte. La batteuse réussit plus facilement à trier.» Elle force moins et la récolte reprend moins d’humidité, «donc on facilite la conservation», explique-t-il. En blé, l’agriculteur pose l’argument d’un impact positif sur la qualité. «Nous avons déjà observé que ça peut faire gagner un point en protéines sur le blé dur.»

Quant au colza semence, cette alternative mécanique compense la perte d’une possibilité chimique pour le défanage de la culture. «On coupe la culture, cela homogénéise le murissement et on évite le phénomène d’égrainage.»

Coût de chantier de moisson avec une fauche andainage

coût de chantier moisson avec fauche andainage

Calcul du coût de chantier de moisson avec fauche andainage à la cuma la Pô Fourche.

Au départ, la coopérative esquissait l’idée d’un investissement commun, avec une voisine, pour un pick-up et une faucheuse andaineuse. «Nous aurions eu 300 ha pour lancer l’activité, mais ça n’a pas abouti.» Chacune achète finalement son accessoire de moissonneuse. C’était plus simple, «nous n’avions pas les mêmes machines», explique Frédéric. Quand à la coupe, «la solution du prestataire nous convient bien.» Déjà pour une question d’investissement, mais aussi du point de vue organisationnel. «Il faut un tracteur à poste inversé. Et un chauffeur compétent», parce que l’opération est particulièrement technique. «Par exemple pour la lentille, il faut bien faucher à 3cm.» De plus, pendant que la fauche s’opère, les agriculteurs de la Pô Fourche restent disponibles pour d’autres chantiers, y compris pour de la moisson.

À Sainte-Gemme-la-Plaine, toujours en Vendée, la cuma l’Inattendue a investi dans un pick up Shelbourne. Sur les 850ha de l’activité, quasiment tout en bio, «nous avons dû l’utiliser sur 150 à 200ha cette année.» Son président, Alexandre Lelièvre, témoigne de la même satisfaction vis-à-vis du gain de temps sur certaines cultures ou de la facilité de récolte des parcelles relativement sales. Là aussi la solution de déléguer la coupe convient, bien que la cuma ait déjà recours au salariat pour la conduite de ses matériels. «Il y a l’investissement qui serait conséquent pour l’outil, avec un tracteur ou un automoteur. Il y a aussi que cela ferait un chantier de plus à gérer pendant la récolte.»

73€/ha

Cette prestation qu’elle délègue, la cuma la Pô Fourche a aussi choisi de la mutualiser. Sauf situation particulière l’an dernier où il a eu pas mal de soucis chez un adhérent avec des parcelles caillouteuses, l’ETA facture à la cuma. «On fait une moyenne et on multiplie par le nombre d’hectares fauchés chez l’adhérent pour établir sa facture.» L’an dernier ce coût moyen de l’hectare andainé était de 73€.

Avec son outil Honey bee de 6,60m, l’entrepreneur dépose deux andains côte à côte. Quelques jours plus tard, ce sera au tour de la batteuse d’entrer en scène. L’agriculteur voit deux points de vigilance vis-à-vis de cette méthode de récolte:

  • En conditions pluvieuses, l’andain peut se plaquer au sol et avoir du mal à sécher. «Cela peut favoriser le phénomène d’échauffement. À l’extrême cela peut accélérer la germination sur pied. Si vraiment on se retrouvait avec un andain mouillé, il faudrait qu’on intervienne avec un retourneur d’andain, mais cela n’est encore jamais arrivé», analyse-t-il.
  • Du siège de l’automotrice, l’agriculteur constate aussi que «si on le laisse une dizaine de jours comme le lin ici, on peut avoir un développement d’adventices qui se mêle à l’andain», dont du liseron qui peut vite devenir une cause de bourrages répétés. Néanmoins quelques arrêts pour désencombrer son tapis, «il m’a fallu 2h25 pour battre ces 10,5ha de lin», illustre Frédéric Jolly.

À un moment, la cuma vendéenne envisageait de ne conserver qu’une moissonneuse, mais sont projet d’investissement dans un pick-up a attiré de nouveaux membres, sourit son président Frédéric Jolly.

La cuma a pérennisé son activité moisson à deux machines

Dans la cuma basée à Pouillé, le pick up est arrivé dans la continuité d’une impulsion donnée par le groupe bio né en 2016, avec presque une dizaine d’adhérents engagés sur différents matériels. «Nous avons des herses étrilles 12m, un désherbeur thermique, une houe rotative…» et une écimeuse 12m qui regroupe même une quinzaine d’adhérents.

Vis-à-vis du pick-up, la motivation était de récolter des cultures bio assez sales plus facilement, ainsi que de solutionner les difficultés de récolte de la lentille. À l’époque, le groupe moisson perdait deux adhésions pour cause de retraite. «Cela faisait 180ha en moins. Le maintien de deux moissonneuses était remis en question.»

Mais le projet d’investissement dans un pick-up a intéressé. «Trois nouveaux adhérents nous ont rejoint en apportant 250 ha.» L’augmentation de surface annuelle a même permis à la cuma d’investir entre 20.000€ et 25.000€ dans son équipement de récolte supplémentaire sans impact sur le tarif facturé.

Un gain de temps appréciable avec la fauche andainage

En dépit du surplus d’activité, le responsable de cuma estime qu’à la faveur de cette nouvelle solution de récolte, «l’ambiance dans le groupe à la moisson s’est détendue.» Logique! Car la machine est un peu moins exposée aux risques de casse ou panne puisqu’elle ingère moins de poids et de terre. Et surtout, quand elle bat six hectares en une heure, «on sait qu’elle sera plus rapidement disponible pour le blé derrière.»

En plus des atouts techniques, la fauche andainage tire largement son épingle du jeu sur le plan économique aussi dans certaines situations. En effet, le coût moyen pour faucher et battre un hectare s’établit à 115€. Dans la mesure où la facturation pour la batteuse se base sur le nombre d’heures, là où elle aurait plafonné à 1ha/h avec sa coupe classique de 7,60m, le gain est appréciable.

La cabine de la batteuse, un poste d’observation privilégié

Le président l’avoue: «dans la cuma, les adhérents ne laissent pas passer leur tour quand il s’agît de conduire la batteuse. Chacun la mène dans ses parcelles et les autres doivent rouler les remorques», sauf sur les cultures spéciales (type lin ou lentilles) pour lesquelles la Cavac dispose des caissons en bout de champ. Avec cette organisation, la moisson est donc un chantier qui mobilise les adhérents de la cuma la Pô Fourche pendant une dizaine de jours. «C’est différent d’une prestation où l’on gère les remorques pendant que quelqu’un moissonne pour nous. Tout le monde ne serait pas prêt à accepter ce fonctionnement.»

L’agriculteur voit un avantage notable dans le fait de piloter l’engin de récolte lui-même. «Pendant qu’on est sur la moissonneuse, on voit vraiment ce qu’il se passe dans nos parcelles, ce qu’il y aura à y faire… Avec le guidage et les capteurs de rendement, on a aussi des facilités pour surveiller tout cela. C’est du temps de conduite utile.»

La moisson avec fauche andainage à la cuma la Pô Fourche

La cuma compte une quarantaine d’adhérents. Neuf constituent le groupe moisson qui travaille sur quatre communes principalement. C’est le premier chiffre d’affaires de la coopérative. Il fonctionne avec deux machines pour un millier d’hectares battus dans l’année: la moitié en céréales à paille (blés tendre et dur essentiellement), une cinquantaine en colza, 200ha de maïs, 120 à 130ha de tournesol et une centaine d’hectares de cultures autres, dont les lentilles et le lin.

Les adhérents conduisent. Ils démarrent leur journée par l’entretien de leur automotrice qui a aussi un rendez-vous annuel chez le concessionnaire. Le groupe conserve ses batteuses une dizaine d’années, il en renouvelle une tous les cinq ans.

La cuma mise sur la complémentarité de son parc avec une batteuse conventionnelle (John Deere T 660i) en cours de renouvellement, et une axiale à simple rotor de la même marque (S 670i). Chacune dispose d’une coupe classique de 7,60m. La cuma possède un équipement adaptable pour le tournesol, un cueilleur à maïs 8 rangs et le pick up 3m Idass. Quelles que soient la configuration et la culture, la cuma facture à l’heure et au même tarif qui comprend la moissonneuse et son carburant.

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