Comment la coop Bocagénèse valorise le bois des haies

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Comment la coop Bocagénèse valorise le bois des haies

Via la Scic Bocagénèse que Jean-Pierre Le Rolland (à d.) préside, Pierre Quéniat produit un combustible dont le prix est stable et bas, à différentes chaufferies du secteur.

Sur 130 ha à la limite entre Finistère et Côtes-d’Armor, Pierre Quéniat cultive de l’herbe, des céréales mais aussi les haies qui cloisonnent ses parcelles. Via une coopérative, baptisée Bocagénèse, il valorise localement les plaquettes bois qu’il tire de cet élément caractéristique du territoire.

La coopérative bretonne Bocagénèse a pour vocation de valoriser le bois de haies. L’arbre sur son talus doit en effet apporter sur le plan économique à l’agriculteur qui le gère. Jean-Pierre Le Rolland, en partisan de ce point de vue, préside cette Scic. Elle est l’une des structures qui maillent la région et grâce auxquelles les agriculteurs valorisent facilement une ressource qui ici ne manque pas. « Nous sommes dans un secteur bocager productif », résume-t-il.

Ici, la plaquette bois est quelque chose à gérer

Pierre Quéniat est, lui aussi, agriculteur, installé sur la commune de Guerlesquin (29). Sur dix ans, un alignement de noisetiers « peut bien donner jusqu’à 100 t/km », estime-t-il. L’essence touffue est particulièrement présente autour de ses parcelles. « Selon les secteurs, j’ai aussi du chêne, du saule vers les zones humides, ou du hêtre et un peu de châtaignier », précise-t-il.  Sur son exploitation d’élevages, la densité du linéaire dépasse finalement les 350 m/ha.

Il en réalise l’entretien à la tronçonneuse : « On coupe. On aligne. » Puis une déchiqueteuse passe produire des plaquettes que l’agriculteur livre à une plateforme de la Scic Bocagénèse. En amont, l’agriculteur communique sa prévision de coupe aux services de la Scic. Cette dernière organise le planning avec les prestataires de déchiquetage. Le président Le Rolland complète : « Nous visitons les chantiers une fois avant la coupe, puis une seconde fois avant le déchiquetage. »

L’arrivée de chaudières et de déchiqueteuses a changé la donne pour l’entretien de la haie

« Lors de cette campagne, nous avons livré 70 t en octobre, puis 85 t au printemps. Et nous recouperons à l’automne », poursuit Pierre Quéniat. Pour trois foyers, son Gaec produit aussi vingt cordes de bûches annuellement. Sur le plan de l’efficacité, « ça n’a rien à voir », pose l’agriculteur finistérien. En début de printemps, il avait toujours des bûches à façonner et à ranger. De l’autre côté, la Scic sollicite des broyeurs qu’elle a sélectionnés pour la qualité de la plaquette et leur débit de chantier. « Ils font du 25 à 30 t/h », souligne Jean-Pierre Le Rolland.

L’adhérent reprend : « Pendant les deux ou trois heures où la déchiqueteuse est là, nous sommes mobilisés pour le transport vers la plateforme de séchage. » Quant au temps nécessaire à la coupe, il se souvient de son dernier chantier : « J’ai fait 5 t/h. » Le président de la Scic indique : « En référence, pour la coupe, on retient entre 3 à 5 t/h quand l’agriculteur le fait manuellement. Pour mes 80 à 90 t/an, par exemple, je consomme 10 l d’essence avec ma tronçonneuse », calcule encore l’éleveur installé sur la commune voisine de Plougras (22).

Bois de haies : gestion durable de la haie

Pour autant, Pierre Quéniat juge que les deux présentations du bois énergie sont plutôt complémentaires. Outre les bouquets de noisetiers, « on va mettre par exemple les morceaux avec du lierre ou les branches… La plaquette permet ainsi de faire rapidement les parties beaucoup moins intéressantes pour la bûche. »

Si les agriculteurs qui fournissent la Scic ont la possibilité de conserver ou racheter de la plaquette, ce n’est pas le cas du Gaec de Guerlesquin qui ne dispose pas de chaudière. L’ensemble de sa production part donc vers Bocagénèse et les chaudières d’hôpitaux, Ehpad, écoles, piscines, etc., qu’elle alimente.

Cet engagement avec la coopérative implique des exigences dont la gestion durable est le maître-mot. Un cahier des charges fixe des méthodes de coupe ou un cycle de récolte, par exemple. Le fournisseur considère néanmoins que les attentes ainsi formulées relèvent surtout du bon sens. « L’esprit d’une filière, c’est que la ressource existe encore dans dix ans. La durabilité, c’est essentiel ! », conclut-il.

Passer l’épareuse sur les souches ou le lamier entre deux coupes sont des pratiques ainsi exclues. L’agriculteur souligne qu’elles sont, quoi qu’il en soit, peu propices à une bonne qualité de haie dans le temps. Pour gérer l’emprise, il « repasse simplement à la tronçonneuse deux ans après la coupe pour supprimer les branches de noisetier qui poussent trop vers l’extérieur. »

L’économie doit dans tous les cas consolider l’intérêt des producteurs

« Face au changement climatique, par exemple, nous aurons besoin de haies, insiste Pierre Quéniat. Que ce soit l’hiver ou lors de l’été 2022, on voit bien où vont se mettre les vaches en période de stress. » Le président opine et insiste sur la dimension économique : même si la haie se lie à des enjeux de résilience des systèmes, de gestion de l’eau ou de biodiversité… « sans une entrée économique, ça ne vaut pas le coup. »

Énergie devenue compétitive

Et Jean-Pierre Le Rolland constate que c’est aussi l’économie qui aujourd’hui renforce l’intérêt des utilisateurs de plaquette. « Ce sont des agriculteurs ayant une casquette d’élu local qui avaient lancé cette dynamique. »

Au départ de l’installation de chaudières, comme sur la commune de Plouaret, il y avait souvent cette idée de soutenir l’entretien du paysage, de développer un débouché pour ne plus gaspiller la ressource. Ces arguments restent, mais « même si nous avons augmenté de 30 % le prix de vente des plaquettes il y a environ deux ans afin de consolider nos filières, nous restons moins chers que les autres énergies », résume-t-il.

Perspectives de développement

Dès dix ans d’histoire de la coopérative, l’actuel président constate : « C’est le type de filière qui remet de la relation entre l’agriculture et les collectivités. » La Scic revendique actuellement 75 agriculteurs adhérents.

Son président enchérit : « Sans faire de communication active, nous enregistrons quatre à cinq adhésions supplémentaires par an. » Mais pour répondre aux demandes annoncées sur les trois collectivités qu’elle alimente, la coopérative devra changer de braquet.

En effet, elle projette de doubler son volume d’activité d’ici à 2030. Cette perspective valide en même temps le choix des cultivateurs de bois de haies de soigner le caractère renouvelable de l’énergie qu’ils produisent.

Bois de haies : entre 20 et 35 €/t de gain dans la balance

Pour une tonne livrée à une plateforme, l’agriculteur perçoit 60 €. Sur ce montant, la Scic retient le coût de la prestation de broyage. Cette dernière étant initialement facturée au temps, l’agriculteur a tout intérêt d’avoir bien organisé son chantier.

« Le déchiquetage représente environ 15 €. Si l’on compte environ 10 € pour le transport, il reste donc à l’agriculteur 35 € pour rémunérer le temps passé à couper et préparer », schématise Jean-Pierre Le Rolland. Certains apporteurs préfèrent solliciter un prestataire pour un abattage mécanisé. « Dans ce cas, le coût de la coupe s’élève aux alentours de 12 €. »

La Scic Bocagénèse en chiffres

La Scic Bocagénèse, créée en 2013, vend environ 5 000 t de plaquette sèche sur trois intercommunalités couvrant le tiers nord-ouest des Côtes-d’Armor. Elle achète en conséquence entre 7 000 et 8 000 t de bois de haies humide, l’origine bocagère représentant plus de 80 % de son approvisionnement.

« Tous les ans, cela représente tout de même 200 000 € qui vont dans les exploitations impliquées dans la filière », argue son président.

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