Témoignage : apprivoiser le désherbage mécanique

Partager sur

Témoignage : apprivoiser le désherbage mécanique

David Bonneau, devant la hersé étrille de la cuma, dispose aussi de bineuses et d'une houe rotative lourde, réfléchit à l’acquisition d’une herse étrille à réglage à distance de l’agressivité des dents.

David Bonneau en Deux-Sèvres a introduit sur son exploitation des méthodes alternatives de désherbage mise en œuvre avec les outils de la cuma du Lambon. Un parcours semé d’embûches puis de réussites.

« Les produits phytosanitaires me font peur : ils sont toxiques ».  Voici en quelques mots ce qui pousse David Bonneau, co-gérant du gaec de la Fontaine (Aigondigné) à commencer le désherbage mécanique pour gérer le salissement de ses cultures. Son aventure débute en 2016 en empruntant la herse étrille de son voisin. Mais après 100m parcouru dans la parcelle, il fait demi-tour, constatant un manque d’efficacité sur les plantules « trop développées » et surtout, la peur d’arracher la culture ! Toutefois, téméraire, il décide la campagne suivante de réitérer l’expérience sur quelques hectares.

A lire : Comment bien utiliser une herse étrille ?

Commencer le désherbage mécanique : surveiller l’efficacité

Durant la campagne 2018 et 2019, le syndicat des eaux potable du Vivier met à disposition gracieusement une herse étrille de 12 m de largeur de travail, équipée d’un réglage hydraulique de l’agressivité des dents et une houe rotative de 6.40 m. L’accès à ces matériels « sans engagement » permet aux agriculteurs du bassin versant de se familiariser à l’utilisation de ces matériels et ainsi de commencer le désherbage mécanique plus facilement. Mais aussi de mesurer l’efficacité du désherbage mécanique selon la préparation du terrain avant semis et le développement des plantules en fonction du stade de la culture. « Quitte à se rattraper en faisant appel aux phytos en dernier recours si les conditions d’intervention n’étaient pas optimales » précise David.

En effet, en désherbage mécanique, l’efficacité dépend des conditions d’intervention. Notamment le climat, le développement plantules, le stade de la culture. Mais aussi le réglages d’agressivité et de la profondeur, ainsi que la vitesse de travail.

Multiplier les tests

Depuis, David multiplie les tests pour apprendre et comprendre ce qui va bien ou ne marche pas. Il a même lu le livre « agriculture sans herbicides ». Il en évoque des passages intéressants, notamment sur le stade optimum du désherbage des cultures. Mais aussi et surtout les problèmes d’évaporation des traitements en conditions d’hygrométrie insuffisante. Ainsi, pour réaliser ses traitements, il intervient principalement le soir et la nuit. Il est convaincu depuis longtemps que c’est mieux pour la réussite des interventions et pour les relations avec les voisins de ses parcelles.

De plus, pour sa protection personnelle, il utilise systématiquement un EPI spécifique (gants, combinaisons avec capuche et masque avec filtre) au moment de la préparation de la bouillie. Et il a installé un filtre à charbon actif au niveau de la cabine du tracteur. Devant les remarques ironiques de certains collègues, il rétorque sans faire d’amalgames : « je connais trop d’agriculteurs atteints de maladies graves qui ont utilisé des produits phytosanitaires sans protection adéquate par le passé ».

Avec le désherbage mécanique, c’est différent. « Quand j’interviens en désherbage mécanique, je peux le faire de jour, en pleine chaleur quelle que soit la vitesse du vent ». Son expérience durant la campagne dernière lui démontre que le désherbage mécanique est une alternative possible au 100 % phytos pour la gestion des plantes indésirables.

A lire : La cuma aussi est un outil de réduction des phytos. (Vidéo).

En céréales, maïs, sorgho, pois d’hiver

Sur une parcelle en céréales, il a réalisé un labour le 29 octobre. Puis un semis en combiné le 30 octobre à une densité de 320 grains/m². Il est intervenu avec la herse étrille le 27 janvier puis le 10 février. Avec un précédent maïs ensilage, il faut être vigilant à ne pas « ratisser » les résidus présents en surfaces, tout en adaptant l’agressivité des dents et la vitesse de travail en fonction de l’enracinement de la culture. Sur ce point, il se fait accompagner pour les réglages par Wilfried Boinot, technicien de la coopérative Sèvre et Belle. Pour se rassurer, il est juste intervenu chimiquement sur le pourtour de la parcelle, sans être convaincu de l’intérêt. Il constate ironiquement que c’est sa meilleure parcelle de l’année avec 75 qx/ha.

En maïs, après un semis le 18 avril, puis un passage de herse étrille le 5 mai (stade 4 feuilles) peut être un peu tardif, il décide l’application d’un traitement chimique à dose réduite. « J’aurais pu me passer de cette intervention car la parcelle était peu sale » conclut David. Ensuite, fin mai, il a réalisé un binage avec buttage. L’objectif : éviter le salissement de l’interrang et stopper le développement des adventices sur le rang.

Sur une autre parcelle semée fin avril, il a réalisé un passage de herse étrille au stade 2/3 feuilles. Puis un premier binage avec léger buttage à faible vitesse pour ne pas recouvrir le rang. Il a effectué ensuite un second binage « tardif » en limite de passage du tracteur sans casser les pieds de maïs. Malgré l’irrigation, il constate que ses parcelles sont globalement propres.

Meilleure efficacité au stade filament pour le désherbage mécanique

D’autres tests ont été réalisés sur sorgho ou pois d’hiver par exemple où le semis a débuté le 31 décembre pour se terminer le 10 janvier en raisons des pluies. Il n’a pas pu intervenir chimiquement pour des raisons climatiques trop humides. Il a donc réalisé un seul passage de houe rotative le 31 mars et a constaté un salissement de la parcelle quelques jours avant la récolte. David est conscient que parfois il intervient trop tard par rapport au stade de développement des adventices.

L’efficacité du désherbage est meilleure au stade filament avec une herse étrille ou une houe rotative. Mais il complète : « Si l’on n’arrache pas l’herbe, on ralentit son développement ». Avec l’appui de la coop Sèvre et Belle, le gaec a initié une démarche de certification de type HV3. Ils sont convaincus par l’intérêt de réduire l’IFT et son incidence sur les parcelles situées sur les bassins versants. Parallèlement, l’exploitation irrigue une partie des cultures et fait partie de la Coop de l’eau 79. L’accès aux réserves exige une évolution des pratiques culturales et une baisse drastique de l’utilisation des herbicides.

Commencer le désherbage mécanique avec une cuma

En tant que président de la cuma du Lambon, David Bonneau a depuis plusieurs mois, échangé avec ses collègues, afin d’imaginer en collectif l’investissement de matériels adaptés. Après constitution d’un dossier d’aides de type PCAE, la cuma a complété son parc de bineuses. Afin de gérer les problèmes de battance de certaines parcelles, elle a investi d’une houe rotative « lourde ». De plus, elle imagine à moyen terme l’acquisition d’une herse étrille à réglage à distance de l’agressivité des dents. A condition que le potentiel de surface soit suffisant.

À lire également :

Le désherbage mécanique en mode digital 

Désherbage mécanique vs chimique : match nul dans le maïs 

Une organisation pointue 

Un intérêt croissant