L’Autorité de la concurrence a publié son avis sur le fonctionnement concurrentiel du secteur de l’agroéquipement, notamment sur les tracteurs, le 18 décembre 2025. Elle a mené cette étude sur demande de la commission des affaires économiques du Sénat. Constructeurs et distributeurs ne franchissent pas de ligne rouge. Toutefois, l’Autorité distingue des dérives, surtout de la part des tractoristes. Elle émet des recommandations pour améliorer le fonctionnement de la concurrence dans la filière. Des recommandations qui profiteraient notamment aux agriculteurs.
Concurrence des tracteurs : 4 acteurs pour 90 % du marché
L’Autorité a concentré son étude sur la concurrence sur le marché des tracteurs. En effet, en 2022, ces derniers représentaient 40 % du chiffre d’affaires du secteur de l’agroéquipement, et constituent une part importante des coûts de production des exploitations agricoles.
L’Autorité constate que seuls 4 acteurs totalisent près de 90 % des parts de marché (AGCO, John Deere, CNH et Claas). De plus, les barrières d’entrée sont difficiles à ouvrir pour de nouveaux prétendants, tant la mise de départ est élevée.
Le dernier acteur ayant tenté un coup significatif est Kubota en… 2008. Nous verrons si les velléités chinoises vues à Agritechnica 2025 changeront la donne.
La distribution, nœud du problème
L’Autorité estime qu’un agriculteur s’orientera vers un concessionnaire situé à moins de 40 km de son exploitation (soit environ une heure de tracteur).
Autrement dit, il fera jouer la concurrence dans ce rayon de 40 km. Au sein d’une zone donnée, l’Autorité de la concurrence juge la concurrence « inter-marques » (entre différentes marques) « globalement satisfaisante ».
Toutefois, certaines zones peuvent rester insuffisamment couvertes. Jusqu’à certaines ne comportant qu’un nombre d’opérateurs limité, voire un seul. L’Autorité remarque ici aussi d’importantes barrières à l’entrée pour les entreprises souhaitant devenir distributrices d’agroéquipement (investissements, recrutements…).

Les clauses d’exclusivité entre constructeurs et distributeurs restreignent la concurrence entre matériels de même marque. (©Entraid Médias)
Concurrence entre marques correcte
Autre nuance, l’Autorité considère qu’il existe certaines limites à la concurrence entre les différentes marques sur les marchés aval de la distribution et de l’entretien-réparation.
Elle note « qu’il ne peut être exclu que des opérateurs détiennent une position dominante dans certaines zones locales ». Dans ce cas, elle ajoute que « les opérateurs doivent veiller à ne pas entraver le fonctionnement concurrentiel des marchés, par exemple en favorisant les membres de leur réseau de distribution pour l’accès aux intrants nécessaires aux opérations d’entretien et de réparation. »
Améliorer la concurrence entre distributeurs de la même marque
Malgré ces quelques bémols, la concurrence entre différentes marques de tracteurs semble satisfaisante. C’est moins le cas pour la concurrence « intra-marque ».
Les clauses d’exclusivité territoriale entre constructeurs et concessionnaires restreignent la concurrence entre deux vendeurs ou deux réparateurs d’une même marque.
À l’achat comme pour l’entretien, la concurrence entre distributeurs d’une même marque semble limitée. L’Autorité s’est penchée sur le sujet, pour évaluer comment elle pouvait s’améliorer. Et c’est là que le bât blesse entre constructeurs et distributeurs.
Pour que l’exclusif ne soit pas abusif
Au regard du « droit des ententes », l’Autorité de la concurrence relève que « des clauses des contrats de concession sont susceptibles de restreindre la concurrence intra-marque, déjà très limitée compte tenu de l’existence de clauses d’exclusivité territoriale ».
Par exemple, certaines clauses imposent aux concessionnaires une obligation d’achat exclusif auprès du fournisseur. En outre, concernant les ventes en dehors du territoire contractuel, celles-ci sont susceptibles d’être restreintes par certaines mesures indirectement coercitives.
Des distributeurs dépendants des fournisseurs
Au regard de l’interdiction des abus de dépendance économique, l’Autorité de la concurrence regarde de près l’indépendance des distributeurs.
Les obligations d’exclusivité à une marque contribuent à restreindre de manière significative les possibilités de diversification des distributeurs. Certains constructeurs sont aussi susceptibles d’imposer à leurs distributeurs de commercialiser une gamme étendue de leurs produits.

Les obligations d’exclusivité menacent les possibilités de diversification des distributeurs. (©Entraid Médias)
La plupart des constructeurs interrogés instaurent de telles mesures, ou du moins empêchent d’éventuelles substitutions pour toutes ou partie du catalogue. En restreignant ainsi la capacité des distributeurs à se diversifier, les constructeurs renforceraient la dépendance économique des concessionnaires.
C’est pourquoi l’Autorité invite les constructeurs à être particulièrement vigilants et à ne pas mettre en œuvre d’obligations qui seraient susceptibles d’affermir un éventuel état de dépendance économique de leurs concessionnaires.
Ce qu’il faut retenir
Les acteurs du marché des agroéquipements ne risquent à court terme aucune remontrance ni sanction de la part des pouvoirs publics.
Pour les clients agriculteurs, pas d’amélioration en vue de ce côté-là pour les prix des machines et des pièces détachées.
En revanche, la filière agroéquipement, et plus particulièrement les constructeurs de tracteurs, est entrée dans les radars du Sénat et de l’Autorité de la concurrence. Comme un premier avertissement.
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