La réserve utile du sol, un capital à préserver

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La réserve utile du sol, un capital à préserver

Chaque agriculteur sait estimer le réservoir du sol, mais aucun d’entre eux ne sait précisément sa valeur.

La réserve utile des sols dépend de nombreux paramètres texturaux et il est peu connu avec précision. Pourtant, ce capital dont les agriculteurs doivent en prendre soin, pourrait les aider à adapter leurs techniques culturales aux précipitations de plus en plus rares. Le point.

Chaque agriculteur sait l’estimer mais aucun d’entre eux ne sait précisément sa valeur. Pour leur défense, la valeur de réserve utile d’un sol, nouvellement appelé par les agronomes « réservoir du sol en eau », est assez difficile à mesurer. Il existe de nombreux moyens pour l’évaluer (1). « La plus connue est la valeur qu’on retrouve sur une analyse de sol réalisée en laboratoire », explique Sophie Gendre, ingénieure chez Arvalis.

Triangle des textures

Le réservoir du sol est défini par le triangle des textures avec le taux d’argile, de sable et de limons ainsi que la quantité de matière organique présente dans le sol et de cailloux. Ce triangle informe sur la quantité d’eau potentiellement retenue par centimètre de sol. En sachant qu’un millimètre d’eau est égal à dix mètres cube par hectare, l’agriculteur peut ainsi déterminer le potentiel de sol en matière de retenue d’eau.

« Cette technique donne un ordre de grandeur qui peut manquer de précision puisque les cailloux présents dans le sol, par exemple, peuvent être plus ou moins poreux, illustre l’ingénieure. De plus, la quantité de ce réservoir en eau dépend de l’échantillon de terre prélevé. » En effet, la valeur diffère selon la profondeur du sol et les horizons analysés et chaque laboratoire a sa manière de déchiffrer cette valeur. D’autres méthodes sont accessibles pour évaluer cette caractéristique mais moins utilisées sur le terrain.

analyse de sol

Pour connaître au mieux le réservoir du sol, les agriculteurs peuvent se baser sur leurs analyses et le triangle des textures qui en est issu.

« C’est une donnée qu’il est important que les agriculteurs aient en tête, avoue l’ingénieure Arvalis. Bien déterminée, elle affine les conduites de cultures des agriculteurs, qu’ils soient irriguant ou non. Que ce soit pour le choix des cultures à implanter, la fertilisation ou le pilotage de l’irrigation. Le réservoir du sol est une donnée de base qui, si elle n’est pas bien estimée, peut biaiser tous les conseils par la suite. »

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Tassement des sols

Toutefois, Sophie Gendre le rappelle, « attention à ne pas confondre le réservoir utilisable facilement par la plante et le réservoir utile. Ce dernier dépend des propriétés physiques du sol et de sa profondeur. Toute l’eau n’est pas forcément accessible pour la plante. »

Il est donc assez difficile de faire varier la capacité du réservoir en eau des sols. « Un sable va moins bien retenir l’eau, alors que ce sera l’inverse pour les argiles et limons. La profondeur du sol est aussi une variable à prendre en compte. C’est bien le type de sol qui est le premier déterminant du réservoir en eau des sols. »

Réservoir utile vs réservoir facilement utilisable
Le réservoir du sol facilement utilisable par la plante représente la quantité d’eau que le sol peut stocker et restituer aux plantes. Cette dernière peut représenter de 50 à 70 % de la réserve utile. Sa taille varie selon la profondeur du sol, sa texture, l’enracinement de la plante, le taux de matière organique et le travail du sol. Le stress hydrique s’installe lorsque le réservoir facilement utilisable est vide. Son remplissage varie selon les précipitations, l’évapotranspiration et la consommation de la plante ainsi que la couverture des sols.

Cependant, le réservoir du sol en eau peut se dégrader. Notamment avec le tassement des sols. Selon plusieurs études d’Arvalis, le compactage d’un sol peut réduire la réserve utile du sol de 20 à 30 %.

Pour améliorer cela ou l’éviter, les techniques culturales peuvent avoir un effet positif. La couverture des sols avec des espèces qui ont une capacité racinaire à fissurer le sol peut rendre un peu de réserves au sol.

Peu d’effet sur la taille du réservoir

Toutefois, il faut rester prudent. « La matière organique présente dans le sol a peu d’effet sur la taille du réservoir d’eau d’un sol », fait remarquer Sophie Gendre. Lionel Alletto, ingénieur à l’Inrae, dans son article scientifique publié suite à différentes expérimentations, estime que la variation d’un réservoir en eau du sol à 10 % sur l’ensemble des horizons du sol, selon le taux de matière organique.

« En revanche, la profondeur d’enracinement, et donc la capacité à valoriser ce réservoir, est accrue en agriculture de conservation. »(1) Arvalis a répertorié les méthodes d’évaluation dans un guide téléchargeable.

Tassement des sols – 3 questions à Pascale Métais (ingénieure Arvalis)

sols inondés

Comment agir pour retenir l’eau qui tombe, et améliorer la capacité des sols à retenir l’eau ?

Quel est le lien entre le tassement et le réservoir utile du sol ?

Outre la nature du sol qui détermine son réservoir utile, il y a également sa porosité. En effet, l’agencement des éléments entre eux joue sur sa capacité à retenir l’eau. Lorsqu’on va tasser le sol, on va réduire les espaces entre les éléments et donc diminuer sa porosité. Par ailleurs, en tassant le sol, on limite la capacité des racines à s’implanter en profondeur et cela les empêche d’explorer le sol dans sa profondeur. On se prive d’une quantité d’eau en réserve.

Quels sont les leviers dont disposent les agriculteurs pour lutter contre le tassement des sols ?

Le premier est d’éviter de dégrader la structure du sol. Ensuite, les leviers dépendront du type de sol, de la culture, des risques et zones concernés. Si le tassement intervient dans les 20 premiers centimètres, un travail du sol plus ou moins profond viendra tenter de réparer cette semelle de travail. Il faut tout de même savoir que plus le tassement se trouvera dans les horizons profonds du sol, plus ce sera coûteux en énergie et plus ce sera difficile. Pendant longtemps, on a cru qu’il fallait travailler le sol 5 centimètres en dessous de la zone tassée, or on se rend compte que cela amplifie le phénomène. En effet, la partie des sols qui se trouve sous cette semelle de travail va être fragilisée par le passage de l’outil. L’année suivante, le sol risque d’être encore plus tassé en profondeur. C’est un cercle vicieux.

Alors, que peut faire l’agriculteur à plus long terme ?

Pour tenter de fissurer le sol, il doit connaître la profondeur de sa semelle de travail et adapter l’outil. Le choix des cultures à suivre sera primordial. Il faut que celles-ci ne soient pas trop gourmandes en eau et qu’elles aient une bonne capacité d’infiltration. Cependant, rien n’est irrévocable. Le sol a une capacité à se régénérer naturellement grâce à des couverts mis en place pendant plusieurs années notamment.

L’agriculteur doit en prendre conscience : un sol peut être tassé en quelques minutes. Il faudra attendre plusieurs années avant de résorber ce phénomène, quoi que fasse l’agriculteur par la suite. Il est donc important de bien choisir sa période d’intervention et de ne pas utiliser des matériels trop lourds. Rien n’empêche à l’agriculteur de réduire le chargement de ses engins, quitte à limiter le débit de chantier. Qu’est-ce que c’est une perte de trois heures au regard du temps passé pour tenter de récupérer sa structure de sol et de la perte de rendements induite ?

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