Combien ça coûte de passer à l’enfouisseur ?

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Combien ça coûte de passer à l’enfouisseur ?

Installée dans une zone de marais avec des captages d'eau, la cuma de Carville vient d'investir dans une tonne avec enfouisseur.

Dans le centre de la Manche, un groupe d’éleveurs vient d’investir dans un enfouisseur à l’occasion du renouvellement de sa tonne. Finie la buse palette. C’est toute une approche de l’épandage et de la fertilisation qui doit se réinitialiser. Témoignage.

Quel est le coût de l’épandage de lisier avec un enfouisseur ? A la cuma de Carville, à l’occasion du changement de matériel fin 2019, le tarif aux adhérents a augmenté de 70%. En effet, en plus du renouvellement d’un tracteur dimensionné pour son nouveau véhicule, le groupe a investi plus de 155 000 €, dont 35 000 pour le seul équipement d’épandage, dans une tonne Samson de presque 17,5 m3.

coût épandage de lisier avec un enfouisseur

« Nous avons opté pour un système injecteur de prairie », souligne Jérôme Champvalont, le trésorier de la coopérative et responsable de l’activité. Pour autant, en creusant un peu derrière ces chiffres, les éleveurs de la cuma de Carville ont calculé qu’ils devraient s’y retrouver du point de vue économique.

Coût de l’épandage de lisier avec un enfouisseur : tenir compte de la volatilisation

« Avant ? Nous étions avec un système de buse palette », répondent les représentants d’un groupe épandage de lisier qui a anticipé une évolution réglementaire annonçant l’encadrement de l’usage de ce genre d’équipements.

« A la réflexion, nous avons vite vu qu’il serait valable de valoriser notre lisier avec une alternative qui limite la volatilisation ». Voire qui la réduit à néant lorsque les conditions de travail sont optimales. « Particulièrement dans cette région de marais, avec des zones de captage, il y a aussi les phénomènes de ruissellement de surface qu’il faut limiter.

Les contraintes vont également se renforcer vis-à-vis de ces enjeux », prévient Frédéric Lavalou, animateur cuma dans la Manche et référent sur l’épandage.

Une meilleure valorisation du lisier

« En étant gentil, on peut considérer que la perte par volatilisation avec une buse représente 50% de l’azote présent au départ », précisent les éleveurs manchois. Hervé Masserot, autre référent épandage pour le réseau cuma dans l’Ouest, confirme : « Avec la buse palette, les pertes vont de 40 à 80%, voire plus, en fonction des conditions d’intervention. »

coût épandage de lisier avec un enfouisseur

Selon les premières impressions dans le groupe, le gain sur l’azote se voit.

Même lorsque ces dernières sont les moins favorables, les pertes avec un enfouisseur restent inférieures à environ 20%. « Après, il y a d’autres facteurs pour limiter la perte », précise Hervé Masserot. D’après des études qui enrichissent la bibliographie, « enfouir dans un sol ameubli par un déchaumage semble par exemple plus favorable qu’intervenir sur un sol dur. »

Une économie d’intrants de 0,55 à 1 € par m3 épandu

Pour les éleveurs laitiers du groupe normand, l’économie potentiellement générée par la valorisation des effluents compense largement les probables 0,35 €/m3 d’inflation du service de la cuma. « Notre lisier est à 2 ou 2,5 uN/m3 », et en prenant un coût de l’unité d’azote minérale à 0,70 €, l’évolution des pratiques ouvre en effet à une économie d’intrants de l’ordre de 0,55 € à plus d’1 €, pour chaque mètre cube épandu, « à condition de tenir compte de la réduction de ce phénomène de volatilisation dans le pilotage de la fertilisation », précise Frédéric Lavalou.

Il observe que ce sont des nouveaux réflexes à appréhender pour les adhérents d’une cuma qui propose une telle évolution. A Carville, certains ont déjà envisagé faire l’impasse sur les 100 kg d’engrais d’habitude distribués sur le maïs. D’autres ont fait l’essai dès cette année et globalement, les éleveurs ont étalé l’effluent sur une plus grande surface. « Là où on faisait 10 voyages avec la 16 m3, nous n’en avons peut-être fait que 6 avec la nouvelle », illustre Benoît Capelle, associé d’un gaec adhérent.

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Injecter en 8 m est aussi rapide que d’épandre avec une buse palette

Bien qu’il soit encore trop tôt pour afficher des certitudes, notamment sur la prairie, la première impression qui se partage dans le groupe est que ce gain sur l’azote se voit. « Typiquement, si après la première coupe, on compare dans la même prairie la reprise de végétation derrière un épandage à la palette à celle derrière ce type d’injecteurs, visuellement la différence est très nette », insiste le conseiller.

En revanche, question débit de chantier, la constance est de mise. La crainte de passer plus de temps dans le tracteur à cause de l’enfouisseur 8 m est déjà levée. « On reste sur les mêmes nombres de tours par heure, avec plus d’un mètre cube distribué en plus », analyse l’éleveur. Frédéric Lavalou conforte le sentiment : « injecter en 8 m est aussi rapide que d’épandre avec une buse palette. »

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Coût de l’épandage de lisier avec un enfouisseur : raisonner en prestation complète

Dans le cadre d’une volonté de développer l’utilisation de la tonne en prestation complète (c’est-à-dire avec un tracteur de la cuma conduit par un salarié de la cuma), il propose une évaluation du coût de l’épandage du mètre cube moyen dans le groupe. « Le chiffre est de l’ordre de 3,25 €. C’est élevé. C’est à nuancer par le fait que ce groupe souhaite maintenir une forte disponibilité de sa tonne », et le volume annuel réalisé reste donc relativement faible.

L’an dernier, 730 voyages (soit 12 000 m3) ont été facturés aux six élevages de l’activité. « Avec ce niveau d’équipements, il faudrait aller vers un volume de 18 000 m3, traités en 500 h de traction si l’on veut contenir le coût de la prestation aux environs de 2,50 €/m3. »

« Un autre élément qui pèse sur l’indicateur économique du coût de l’épandage, c’est la distance », poursuit Frédéric.

Attention au temps de transport

Son collègue Jonathan Godey décortique des données « très précises, moyennant un travail de nettoyage et de vérification », issues d’un boîtier Karnott mis en test sur la nouvelle tonne de la cuma au printemps. Sur ses 340 premiers voyages, « 63% du temps d’utilisation de la tonne correspond au transport hors des champs et aux phases de chargement. »

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En moyenne, les chauffeurs ont réalisé 1,3 voyage par heure. Et la distance parcourue pour un voyage (toujours hors du champ) avoisine 7 km. « C’est flagrant, lorsqu’on est autour d’une table par exemple pour réfléchir à un renouvellement du matériel : le temps passé sur la route est vraiment quelque chose que les utilisateurs de tonnes ont tendance à minimiser », remarque pour sa part Frédéric Lavalou, et c’est là que des différences se font.

Jonathan Godey identifie que « l’adhérent avec la meilleure moyenne sur ce critère a réalisé 3,6 voyages/h. » Dans cette configuration d’un chantier proche des quatre tours par heure, le coût du mètre-cube épandu et enfoui n’est plus que de 1,60 €, traction, carburant et main d’œuvre inclus.

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