Les cuma face au risque de déprise

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Les cuma face au risque de déprise

La polyvalence du porteur fait partie des facteurs à prendre en compte.

Le plan d’arrachage annoncé par l’État devrait diminuer la surface de vignes de 8 %. À ces surfaces s’ajoutent les arrachages hors plan, ou même l’abandon ­de l’exploitation de certaines parcelles. Cela pourrait fragiliser certaines coopératives, notamment pour l’activité vendanges, très sensible aux variations de surface. Comment réagir face à une situation, parfois incertaine, de diminution d’activité ?

La déprise agricole, autrement dit l’abandon de surfaces agricoles concerne aussi des régions viticoles. Dans l’Entre-deux-mers, la cuma des Jardins Jetés a en effet connu une baisse d’activité suite à des arrêts d’exploitation, mais elle a su s’adapter. L’activité vendanges se structurait en deux groupes. Le premier comptait six adhérents qui vendangeaient jusqu’à 243 ha (en 2021) avec une Braud. Le second groupe se composait de trois adhérents qui vendangeaient 195 ha avec une Grégoire. Les deux machines, achetées début 2017, avaient fait leur cinquième campagne en 2021. La cuma a pour stratégie de renouveler les machines à vendanger tous les cinq ans. Cela lui permet de contenir les frais d’entretien. Des discussions avaient commencé à ce sujet en fin d’année 2021. 

Déprise agricole en vue avec une baisse annoncée de 40 % des surfaces

Deux adhérents ont alors annoncé vouloir prendre leur retraite et vendre leur exploitation. Le premier, également président, avait 40 ha tandis que le second, le trésorier, avait 135 ha soit 40 % de la surface vendangée du groupe. À cela s’ajoutait l’incertitude des ventes des propriétés. Sans possibilité d’avoir un engagement de la part des adhérents concernés, le renouvellement des deux machines était donc inconcevable. 

Que faire dans ce cas ? Renouveler une seule machine et ne plus vendanger chez les deux adhérents concernés ? Pour les adhérents, pas question. Ils ont donc choisi de ne renouveler qu’une seule machine, et de prendre un contrat de location pour une seconde. Le contrat de location comprenant un tarif à l’heure de récolte. Cela a l’avantage de conserver un tarif constant pour l’adhérent indépendamment de la quantité d’hectares vendangés et donc d’absorber la baisse de surface sans incidence pour les adhérents. Un point d’attention cependant quant au contrat de location : sur un des devis proposés (qui n’a pas été retenu), était inscrite une clause d’un minimum de 250 heures, ce qui rend l’argument précédent bancal.

Une machine de location en renfort

Durant les vendanges 2022 la stratégie était donc la suivante : prioriser au maximum l’utilisation de la machine propriété de la cuma par rapport à celle de location afin de réduire son coût de revient. D’un point de vue analytique, la facture de location a été groupée avec les charges de la machine de la cuma. Chaque adhérent a donc eu le même tarif de vendanges (hors charges variables) qu’il ait utilisé la machine de location ou non. 

L’activité vendange en cuma se révèle très sensible aux variations de surface.

Ce choix s’est avéré être le bon puisque les propriétés ont finalement été vendues courant 2023, sans que les repreneurs soient intéressés par la cuma. Il reste donc suffisamment de surface dans le groupe pour pérenniser l’activité vendanges avec une seule machine (205 hectares pour six adhérents), et sans augmentation de coûts significative. Le bureau de la cuma reste cependant prudent face à l’arrachage et à d’autres départs à la retraite… La situation n’est pas encore complètement stable. 

Au-delà de la solution trouvée par la cuma des Jardins jetés, cet exemple illustre avant tout la nécessaire anticipation des baisses d’activité. Les responsables doivent en avoir conscience et prendre le temps de questionner chaque adhérent sur les évolutions futures de son exploitation, afin de construire une stratégie répondant aux besoins de chacun.

C’est notamment le cas pour la cuma des Vinocaths. Située dans le Blayais, en haute Gironde, cette cuma a été créé en 2008 pour répondre aux besoins de six adhérents pour des travaux de viticulture sur environ 140 ha.

D’abord la polyvalence

Ils ont alors investi dans un porteur Pellenc avec quatre outils. Deux groupes se sont alors formées. Le premier pour l’entretien de la vigne avec le prétaillage, l’épamprage et l’effeuillage, pour environ 80 à 90 ha. Un deuxième groupe pour une activité de vendange, pour lui aussi sur 80 à 90 ha. Puis en 2019, au moment de réinvestir dans du matériel, la cuma a décidé d’arrêter l’activité entretien de la vigne et de ne se consacrer qu’aux vendanges.

Effectivement les stratégies viticoles en onze années ont évolué. Les adhérents ont fait le constat et ont pris la décision d’arrêter d’exploiter la polyvalence du porteur. Ils se sont rendus compte que l’appareil n’était plus adapté, il consommait trop, n’était pas assez maniable, s’avérait trop lourd et tassait le sol à chaque passage. De plus, l’épamprage était une prestation assez compliquée car tous les adhérents souhaitaient -l’outil en même temps. Par ailleurs, l’effeuillage, d’un point de vue agronomique ainsi que par le changement climatique n’est plus une pratique courante. Et enfin d’un point de vue économique, les cumistes ont délégué le prétaillage à des prestataires de service qui étaient moins chers que la cuma. 

Et la crise est arrivée

Suite à cette réduction d’activité, deux adhérents ont donc quitté le groupe mais l’activité vendange perdure. La cuma a ainsi souhaité investir dans une machine à vendanger Grégoire pour les quatre adhérents restants. Malheureusement, au vu de la conjoncture viticole depuis 2018 ainsi que les aléas climatiques à répétition, la cuma a perdu un adhérent de plus, et donc des hectares. Avec pour conséquence un prix de facturation plus élevé pour le reste du groupe.

De ce fait, le président de la cuma des Vinocaths a dû retrouver de nouveaux adhérents. Il n’était en effet pas concevable de pénaliser les viticulteurs avec un prix de facturation trop élevé. Il a eu vent d’une cuma qui était en dissolution. C’est donc sans hésiter qu’il a proposé aux membres de les rejoindre. Dans cet échange, un viticulteur assez frileux de repartir en cuma a souhaité les rejoindre mais seulement en période probatoire, afin de pouvoir tester le bon fonctionnement de ce groupe. Grâce aux nouvelles options des statuts il s’est senti protégé. Cette période probatoire dans les statuts est réellement un plus pour la cuma. C’est également grâce à celle-ci que le président a réussi à faire faire un essai à un voisin, qui a ensuite décidé de les rejoindre également suite à sa première campagne.

Aujourd’hui, la machine vendange les hectares suffisants pour permettre un tarif raisonnable pour ses adhérents. La cuma a donc réussi à pérenniser cette activité.

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