Chantiers : quelle est la parcelle idéale ?

Partager sur
Abonnés

Chantiers : quelle est la parcelle idéale ?

Ces grandes parcelles offrent des avantages pratiques pour les travaux agricole, mais pas pour la faune auxiliaire.

Les principes de l’agroécologie nous apprennent qu’il faut éviter les grandes parcelles, peu propices à la biodiversité. Et de l’autre côté, tout conducteur d’un engin agricole n’a qu’un souhait : devoir faire demi-tour le moins souvent possible. Alors, quelle est la parcelle idéale ? Loin de vouloir donner une réponse définitive, ce dossier apporte des éléments factuels pour aider chacun à prendre connaissance des enjeux de cette question de parcellaire.

Quelle est la taille de parcelle idéale ? Nous sortons d’une longue période, depuis les années 60, qui a vu la surface des parcelles s’agrandir continuellement. Et en même temps, les matériels ont grossi, les largeurs se sont étendues. Un train-train s’est établi en mode toujours plus grand, et bim ! Voilà qu’arrive la nouvelle ère de l’agroécologie. La parcelle n’est plus simplement une surface de jeu, une entité géométrique. Les scientifiques, mais aussi la frange la plus sensible à l’environnement du monde agricole, rappellent qu’elle est aussi un écosystème complexe. Complexe du moins quand elle rassemble quelques facteurs favorables à la biodiversité, et notamment affiche une superficie raisonnable. Concrètement, si on veut vraiment réduire le besoin d’employer des produits phytosanitaires, avec tout leur cortège d’inconvénients, il faut remettre du naturel dans les champs ou autour d’eux. Faire que les coccinelles viennent dévorer les pucerons ou les carabes croquer les limaces.

Parcelle idéale : la taille a de l’importance

En octobre dernier, l’Inrae a justement publié une expertise scientifique collective titrée « Protéger les cultures en augmentant la diversité végétale des espaces agricoles ». Près de deux mille références scientifiques internationales passées à la moulinette.

Les analystes ont recherché des données sur l’effet des mélanges variétaux, des cultures associées, de l’agroforesterie, de la diversité des rotations et des assolements, de la présence d’éléments « semis-naturels » et de la taille des parcelles. Sur ce dernier point, ils ont observé que réduire la superficie des champs a un effet positif sur la régulation des insectes aériens.

Sur les adventices, il ne se dégage en revanche pas de consensus pour affirmer un effet dans un sens ou dans l’autre. Quant à l’effet sur les maladies et nématodes, non testé en tant que tel, la théorie enseigne qu’il pourrait jouer également dans les deux sens. En revanche, l’expertise collective va plus loin sur la question de la taille des parcelles.

Quelques articles scientifiques fournissent des préconisations quantitatives sur le déploiement de certaines modalités de diversification végétale, sans toutefois cibler l’objectif de protection des cultures :

  • une taille optimale de parcelle de grandes cultures d’environ 2,8 ha pour favoriser la régulation et la biodiversité.
  • 20 % d’éléments semi-naturels dans la surface des paysages pour assurer les régulations d’arthropodes ravageurs, la conservation de la biodiversité et la fourniture de divers services écosystémiques.
  • des linéaires de haies de l’ordre de 300 mètres par hectare pour concilier rendement et biodiversité.

Pour situer ce chiffre de 2,8 ha par rapport à la situation française, précisons que la surface moyenne des parcelles en grande culture va de 4,5 ha pour le tournesol à 7,5 ha pour la betterave.

Une tendance lourde

Une analyse publiée en mai 2021 (n°163) par le Centre l’études et de prospective du ministère de l’agriculture arrivait à une conclusion similaire à celle de l’expertise collective de l’Inrae. « L’abondante littérature sur le sujet montre que les paysages agricoles structurés en parcelles de petite taille, et composés de cultures diversifiées, sont plus à même d’héberger une biodiversité importante et de produire les services écosystémiques utiles aux agriculteurs et à la société en général. Entre ces deux facteurs, la taille des parcelles a un effet prédominant. »

coccinelle et pucerons

Parcelle idéale : les insectes utiles abrités dans les bordures de champs non cultivées doivent pouvoir accéder aux cultures.

Curieusement, l’agriculture biologique n’a pas prévu de normes dans ce domaine. Le label européen limite seulement la taille des élevages. En France, la Fnab précise que le bio en soi est déjà suffisamment favorable à la biodiversité et qu’il n’est pas nécessaire d’y ajouter une contrainte de surface.

Néanmoins, dans son propre cahier des charges Label Fnab Bio France, mieux-disant que le socle européen, l’organisme a ajouté ce qu’il appelle une « brique sociale » et une « brique biodiversité ». Et cette dernière cite bien un critère ‘Encadrement de la taille des parcelles’. En grandes cultures, il demande qu’au bout de 5 ans, les parcelles de plus de 150 m de large et de plus de 6 ha ne dépassent pas 25 % de la SAU.

Taille de parcelle idéale : un retour en arrière en matière de structuration foncière

De son côté, le nouveau cadre de la certification environnementale HVE3 tient compte d’une notion de superficie, sur la base d’études scientifiques. Il accorde 5 points si au moins 80 % de la SAU se compose de parcelles de moins de 6 ha. Pour en situer le poids, précisons que ce critère est l’un des huit composant l’indicateur ‘biodiversité’, et pour lequel l’exploitation doit obtenir au moins 10 points.

Le bio comme le HVE semblent donc aller dans le sens d’une pause, voire d’un retour en arrière, en matière de structuration foncière telle qu’on la connaît aujourd’hui en France.

Pas un remède absolu

Au quotidien, la mesure préventive que constitue un maillage de petits champs ne suffit pourtant pas à tout résoudre. Les partenaires engagés dans le PNRI (Plan national de recherche et innovation) contre la jaunisse de la betterave sucrière en savent quelque chose.

Ainsi, Fabienne Maupas, directrice scientifique à l’ITB, observe : « Nous trouvons facilement des parcelles d’un hectare seulement, et qui sont pourtant touchées par la jaunisse. »

Et les bandes fleuries ? « Elles montrent peu d’effets au-delà de vingt mètres, ce ne peut donc être qu’un complément dans la lutte contre les pucerons. » Dans ce cas précis, il semble plus prometteur d’installer des répulsifs tels que des plantes compagnes dans les betteraves, que de faire venir des prédateurs des pucerons depuis l’extérieur.

Même si le PNRI comprend effectivement des axes de travail intitulés ‘modélisation paysagère’ ou ‘infrastructures agroécologiques’.

betteraves avec jaunisse

Dans la réflexion sur la parcelle idéale, on constate que la présence de haies ne suffit pas à préserver les betteraves de la jaunisse.

La France du parcellaire

Par ailleurs, toutes les régions agricoles ne sont pas égales devant la qualité du parcellaire. La carte récemment publiée par Thomas Puech et Catherine Mignolet dans Cybergeo est flagrante.

carte de typologie des parcelles en France

Thomas Puech et Catherine Mignolet, Caractériser la morphologie des parcelles agricoles à l’échelle de la France, Cybergeo

Les chercheurs ont exploité les données publiques du Registre parcellaire graphique pour caractériser la surface et la forme des parcelles françaises. Ils en ont tiré vingt catégories, en distinguant notamment les champs simples ou rectangulaires, des champs dentelés ou ciselés, avec différents niveaux de superficie. Autrement dit, du point de vue du praticien, ceux qui se travaillent facilement de ceux qui obligent à multiplier les manœuvres.

Les premiers représentent 61 % des parcelles françaises, et les seconds 30 %. Les 9 % restants concernent surtout des parcelles très allongées. Mais la carte que les deux géographes ont construite montre combien cette répartition varie d’une région à l’autre. Les types de parcelles simples et rectangulaires se concentrent dans un rayon de 300 km autour de Paris et dans quelques autres bassins plus petits comme l’Alsace ou la Champagne Berrichonne. Heureux les chauffeurs d’engins agricoles dans ces secteurs !

Enfin, à lire aussi dans notre dossier sur le parcellaire sur entraid.com: