« C’est un acharnement thérapeutique qu’il faut arrêter ». Certes un brin provocateur, Philippe Largeau, président de la FNEDT, a insisté, mardi 2 décembre 2025 en conférence de presse à Paris, sur la nécessité pour les agriculteurs et pour les entreprises de travaux de penser différemment. « Il y a un sujet de surmécanisation en France. Depuis très longtemps, chaque année, on met des millions pour aider à l’équipement, dans le but notamment de garantir un revenu aux agriculteurs. Mais force est de constater que ces aides n’ont pas servi à grand-chose. Cela alors qu’on est le pays en Europe où les charges de mécanisation sont les plus élevées. Mais aujourd’hui, il faut arrêter la perfusion. Cette politique de soutien n’aide que les vendeurs et les banques. À aucun moment, elle n’a profité à une ligne comptable d’agriculteur ».
Une année 2024 très difficile
Philippe Largeau appuie cette position disruptive de sa fédération, mais pas nouvelle, de constats.
En effet, il avait déjà poussé pour changer de mode de soutien il y a un an. L’année qui venait de s’écouler avait été très mal vécue, de toutes parts. « L’année agricole 2024 a été très compliquée au niveau climatique. Il y a eu en conséquence des problèmes économiques pour nos Entreprises de travaux agricoles ruraux et forestiers (ETARF). Les baisses de chiffre d’affaires (CA) sont de -5 à -80 % très localement et en foresterie. En zones intermédiaires agricoles, c’est catastrophique pour les agriculteurs. Si 2025 permet de refaire du CA, l’impact de 2024 ne peut pas être résorbé en un an ».
Une position non isolée
De plus, le Président des ETA n’est pas seul dans cette réflexion sur le changement du mode soutien à l’agroéquipement.
Dans les colonnes du guide Subventions d’Entraid édité en mars 2024, la Fncuma, par la voix de Lucie Suchet, sa cheffe du pôle Engagement et influence, parlait déjà de la nécessité de « réformer toute la fiscalité agricole. Le choix des machines devrait reposer sur des visions agronomiques et économiques ».
Effet ciseau entre dégradation éco des clients et augmentation des prix
Le contexte commercial sur le marché des agroéquipements a aussi évolué de façon inédite ces dernières années.
« Depuis 2020, année du Covid, les tarifs des machines ont carrément flambé, avec des hausses de 25 à 40 % en fonction des matériels, commente Philippe Largeau. C’est un réel souci. Et pourtant, les ETARF sont parmi les acteurs qui optimisent le mieux la mécanisation. Mais l’équipement représente quand même 40 % de leur coût de revient ».
La FNEDT souhaite voir encouragée l’externalisation de la mécanisation
Face à ces difficultés, le Président de la FNEDT propose que le pays s’engage dans un nouveau modèle. « Il faut que chaque acteur du monde agricole trouve son niveau d’usage de la machine à bon escient. De sorte que s’il y a une aide à apporter sur les charges de mécanisation, il faut que ce soit au travail fourni grâce à la machine, par exemple. Une autre solution, c’est professionnaliser chaque secteur du monde agricole sur son outil de production ».
Philippe Largeau s’explique : « La mécanisation doit être adaptée au besoin, pas l’inverse. Il faut donc aller vers une externalisation de la démarche de mécanisation. Ça peut être par le partage en commun des outils, mais aussi par la prestation de service ».
Spécialisation de l’agriculteur sur son atelier
Pour le Président des entrepreneurs, cette solution d’externalisation permet par exemple à un éleveur de se spécialiser sur son atelier de production « et d’optimiser sa rentabilité ». Cela alors que les travaux dits périphériques sur ses parcelles sont externalisés. « L’idée est de dégager du temps pour optimiser la rentabilité ».
« L’aide à l’usage serait un levier efficace qui permet un budget national soutenable et un retour sur investissement direct, analyse Mr Largeau. Et cela permettra un suivi de l’argent dépensé. À la différence des chèques en blanc faits aujourd’hui pour du matériel utilisé à moins de 50 % de leur potentiel ou qui restent sous le hangar ».
L’aide à l’usage, en soutien aux ETARF employeurs qui progressent fort
Et justement, dans cette conférence de presse donnée le 2 décembre 2025, il apparait que cet accompagnement des éleveurs au champ progresse. « Il y a de plus en plus d’ETARF employeurs de salariés, notamment en agricole, sur les zones en polyculture élevage, partage Frédéric Jan, vice-Pdt délégué. Car il y a une logique de contexte agricole avec autant de surface à cultiver dans le pays alors que la démographie agricole montre toujours moins d’agriculteurs. L’éleveur se consacre plus à l’élevage et confie les travaux aux champs aux ETA ».
Désormais, 52 % des ETARF sont des entreprises qui emploient. L’unipersonnelle est mise en minorité en 2024. Une première.
« Sur 5 ans, le nombre d’équivalents temps plein progresse de 16 %. Sur la même période, le nombre de CDI est passé de 16 000 à 26 000. C’est une progression énorme et une professionnalisation soulignée ».

La FNEDT en conférence de presse à Paris le 2 décembre 2025. De gauche à droite, Frédéric Jan, vice-Pdt délégué, Philippe Largeau, Pdt, Martine Perrin, secrétaire générale et Eric Retailleau, Pdt du Congrés 2026 et Pdt de la fédération régionale Nouvelle Aquitaine. (© Entraid).
La FNEDT demande la création d’un observatoire national du machinisme agricole
« Pour avoir un arrêt sur image et savoir de quoi on parle, [en termes de besoins en machines et d’aides,(NDLR), notamment pour les aides à l’investissement, il faut connaître le potentiel et le besoin », décrit Philippe Largeau.
« Nous demandons donc la création d’un observatoire national du machinisme agricole. Aujourd’hui, personne n’a une vision précise du parc de machines en France, par territoire ou par filière. Il n’y a rien. L’Axema, le syndicat des constructeurs, dispose de données sur les immatriculations neuves. Mais on ne sait rien des machines achetées à l’étranger par exemple ou de celles achetées d’occasion ».
La décarbonation pensée à l’usage, non à la machine
Sur la décarbonation aussi, la FNEDT souhaite un raisonnement des pouvoirs publics à l’usage et non à l’unité. « Il y a 1,3 million de machines utilisées en France. Nous défendons une décarbonation pensée à l’usage et pas à la machine. Pour un tracteur à 1000 ou à 300 heures annuelles d’utilisation, la décarbonation n’est pas la même ».
Travaux assurantiels
Enfin, la FNEDT annonce travailler sur une assurance risque devant permettre de faire face aux encours d’impayés. Une réflexion est aussi menée avec les pouvoirs publics sur des garanties liées aux intempéries entrainant des sinistres dans les ETARF et l’impossibilité pour les salariés de travailler.
Cette situation ne rentrant pas dans les conditions du déclenchement du chômage partiel. Du pain sur la planche pour 2026.
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