La question des bénéfices financiers issus de l’agrivoltaïsme et de leurs prétendants suscite bien des débats. En particulier depuis la proposition de loi du député Pascal Lecamp le 13 février 2025. Ce projet de loi vise « à assurer le développement raisonné et juste de l’agrivoltaïsme ». Cette loi a pour but de compléter les sujets non traités dans la loi Aper. Elle a également pour objectif de mieux encadrer, entre autres, l’aspect foncier et le partage de la valeur dans l’agrivoltaïsme. Le producteur d’énergie, porteur du projet, est naturellement le premier bénéficiaire des revenus générés par la vente d’électricité. Cela afin d’assurer la rentabilité de son investissement. Il s’élève généralement à 7-8 % pour un revenu entre 6 000 et 8 000 €/ha/an selon France Agrivoltaïsme.
Partage de la valeur d’un projet d’agrivoltaïsme : ce qu’en dit la loi
En raison des contraintes d’exploitation de la parcelle liées à l’infrastructure, l’exploitant agricole a évidemment droit à une compensation financière. C’est le contrat qui la définit.
Si le propriétaire n’est pas l’agriculteur, il ne faut pas oublier ce dernier pour autant. Car c’est à lui que revient la responsabilité du démantèlement de l’installation. Voire de son coût financier en cas de défaillance de l’énergéticien. « La rémunération du propriétaire est aussi un moyen d’écarter le risque d’exclusion du fermier, estime Maxime Cumunel, délégué général de France Agrivoltaïsme.
Toutefois, l’objectif premier de l’agrivoltaïsme est de maintenir des actifs agricoles et pas de rémunérer des propriétaires fonciers. Donc le revenu du propriétaire ne peut être supérieur à celui du fermier. »
L’association encourage la possibilité pour les agriculteurs de participer au capital de la société porteuse de projet. Cela leur permettra, en effet, de profiter d’une partie des bénéfices.
Un loyer maximum de 3 000 €/ha ?
France Agrivoltaïsme suggère aussi un recensement annuel des pratiques contractuelles de loyers versés par les producteurs d’énergie. L’association fait état de chiffres variant entre 2 000 et 5 000 €/ha/an. « Pour limiter le risque de dérapage et de spéculation, nous pensons qu’il faudrait plafonner le loyer versé à l’agriculteur et au propriétaire, indique de son côté Jean-Luc Bochu, responsable agriculture et énergie chez Solagro. Cela ne relève pas de la loi, mais des contrats. Il faudra donc peut-être imaginer une charte de bonnes pratiques. Selon nous, la somme raisonnable à se partager entre fermier et propriétaire devrait être autour de 3 000 €/ha. »
La proposition de loi Lecamp complète le partage de la valeur au niveau du territoire. Outre les taxes perçues par les collectivités locales (Contribution économique territoriale (CET) dont Cotisation foncière des entreprises (CFE) et Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ; et Imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER)), et la contribution à des projets en faveur de la biodiversité, elle propose une contribution qui favoriserait des projets agricoles locaux.
Pour la Fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA) cependant, « l’agrivoltaïsme ne peut faire la spécificité d’une double imposition à rebours d’autres énergies renouvelables soumises uniquement à l’Ifer (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, NDLR) ».
Des ventes de terres gelées ?
L’attribution d’un loyer issu de l’agrivoltaïsme à l’exploitant agricole et au propriétaire pose également la question du risque d’inflation sur le prix de vente des terres agricoles, voire de spéculation foncière. « Toute hausse de valeur sur un terrain génère nécessairement une hausse des prix », écrit France Agrivoltaïsme dans sa note sur le partage de la valeur.
« Il faut en effet prendre en considération l’installation agrivoltaïque dans la valeur de la parcelle, mais l’impact va évoluer en fonction de l’ancienneté de cette installation, précise Nicolas Agresti, directeur du service Études, veille et prospective de la Fédération nationale des Safer. La valeur générée peut diminuer s’il y a une évolution du contrat se traduisant par une baisse du tarif de vente d’électricité. Et plus on s’approche de la date du démantèlement, plus l’installation va se transformer en charge. Le sujet est complexe. Il nécessite une méthode d’évaluation de la valeur intégrant ces éléments. Nous avons mis en place un groupe de travail pour la construire. »
La crainte d’une flambée des prix du foncier
D’après Nicolas Agresti, certains craignent une flambée des prix du foncier en raison de l’agrivoltaïsme. « Pour le moment, nous ne l’observons pas, avance-t-il. Les outils de régulation des prix du foncier agricole propres à la France existent depuis les années soixante. Ils s’appliqueront également aux installations agrivoltaïques.
Cette régulation permet encore aujourd’hui aux agriculteurs d’accéder à du foncier. De plus, on parle de 80 000 à 100 000 ha d’agrivoltaïsme. L’enjeu est certes important, mais à mettre en perspective de la SAU française de 28 millions d’hectares. »
En revanche, un effet possible imaginé par la FNSafer pourrait être le gel de certaines ventes de terres dans la perspective du développement de projets agrivoltaïques.
Quel bail pour l’agrivoltaïsme ?
Dans le cadre juridique actuel, et dans le cas où coexistent un propriétaire, un porteur de projet énergétique et un exploitant agricole, le bail rural n’est pas adapté à la création d’une installation agrivoltaïque. Il doit être résilié pour laisser la place à un bail emphytéotique entre le propriétaire et l’énergéticien.
La parcelle est alors mise à disposition gratuitement de l’exploitant agricole sous forme de « prêt à usage », cette situation étant moins protectrice pour l’agriculteur. Pour remédier à cette carence, deux pistes sont envisagées.
La première dans la proposition de loi Lecamp introduisant un nouveau type de convention cadre tripartite d’une durée minimale de 20 ans, renouvelable. Deux volumes seraient superposés :
- Celui du dessous (le sol) soumis à un bail rural entre propriétaire et exploitant agricole ;
- Celui du dessus (les panneaux solaires) obéissant à un bail emphytéotique entre propriétaire et énergéticien.
La seconde piste est celle d’un bail rural à clauses agrivoltaïques. France Agrivoltaïsme et la FFPA soutiennent tous deux le maintien de ce bail rural.
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