Une carrière au plein air, loin de l’isolement

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Une carrière au plein air, loin de l’isolement

Corinne Rottier, avicultrice sarthoise, s'implique dans les cuma (©FredericMaligne)

Encore peu familière des activités rurales au moment de son installation, Corinne Rottier œuvre au dynamisme des cuma. Ces coopératives ont leur part dans la réussite de son exploitation et continuent d’instruire sa curiosité.

En préambule de son récit, la précision clarifie : ce n’est pas l’adoration du tracteur qui pousse l’aventure cumiste de Corinne Rottier. Ce sont plutôt la facette humaine des collectifs ou encore la performance des organisations qui balisent son engagement. Si sa plus grande fierté professionnelle est « d’être installée agricultrice avec [son] mari », c’est surtout qu’elle ne se destinait pas à telle carrière. « Jusqu’à mes 23 ans, j’étais une pure citadine. Ce monde m’était totalement inconnu », confie-t-elle en se rappelant ensuite de cette année 2000 où elle rejoint Olivier à la tête de l’élevage, mixte à l’époque (avicole et porcin). « Nous n’étions pas sur une ferme familiale. D’autre part, nous avions peu de matériels. La cuma était vraiment ce qu’il y avait de mieux pour connaître les gens, pour créer des liens sociaux. » Le moyen idéal en même temps pour rationaliser l’accès aux outils agricoles. Deux décennies plus tard, le matériel en propriété de son exploitation reste limité à deux tracteurs, une petite remorque et un pulvérisateur… tandis que Corinne Rottier analyse : « La façon de faire, le travail en cuma, ça me correspond. »

Lien social

La cumiste relativement insensible à la technicité des outils ou à leur marque s’intéresse néanmoins au matériel, sous certains aspects. L’économique notamment. « Qu’à la fin, il nous revienne moins cher, ça m’intéresse. Parce qu’en tant que responsables, nous avons aussi des comptes à rendre aux adhérents sur ce plan-là. » Car aujourd’hui, la dirigeante d’élevage s’investit activement au service des coopératives de proximité.

Tout d’abord trésorière de la cuma la Cigale, cuma départementale spécialisée dans la valorisation du bois bocager, Corinne Rottier est désormais en charge d’une activité innovante, toujours en développement (voir ci-dessous). Depuis mai dernier, c’est elle qui orchestre le planning, répondant aux appels des adhérents qui sollicitent le broyeur de paille. Ils sont une cinquantaine sur toute la Sarthe et des zones limitrophes. Pour la plupart, « nous ne nous sommes jamais rencontrés. Certains sont surpris que ce soit une agricultrice qui fasse le planning », observe l’intéressée, souriante. Au départ, c’était pour un intérim de trois mois, en attendant qu’un nouvel animateur reprenne la fonction. « C’était de la découverte. Mais ça me plaît d’avoir ce contact avec des agriculteurs, adhérents de l’activité. Donc j’ai conservé finalement cette mission. »

Deux cuma ont leur trésorerie sous le même toit

En outre, Corinne Rottier est administratrice de la section départementale et de l’Union des cuma des Pays de la Loire, et notamment responsable de la commission communication de la structure. Elle est aussi administratrice d’Entraid depuis cette année. En 2016, à l’origine de ces implications régionales et nationales, il y a la sollicitation d’une autre administratrice du réseau cuma dans le département. « Jeannine Orieux était trésorière des cuma où nous adhérions. On se voyait aux AG. Elle m’a demandé de venir à un conseil d’administration de la section, pour prendre la température, ça m’a plu », résume l’agricultrice qui s’est ensuite pleinement engagée, selon ses possibilités et une certaine logique. « Nous étions en cuma et ne faisions pas partie d’autres organisations. »

D’un côté cette trajectoire satisfait une curiosité, de « voir comment font les cuma ailleurs. Comment s’organisent les fédérations. Ça fait du lien social. » En contrepartie, il y a le besoin de disponibilités. « L’ensemble de ces postes me prend l’équivalent d’un mi-temps », approche la cheffe d’entreprise, en précisant qu’elle adapte son emploi du temps au rythme de la ferme. Car ces engagements résultent aussi de la concertation entre les associés-conjoints. Olivier, qui est aussi trésorier de cuma, assure les travaux dans les champs. « Ces jours-là, je m’arrange pour être aux bâtiments, je ne suis pas disponible pour les missions extérieures. »

La ferme, équilibrée, conserve la priorité

Avec quatre poulaillers et soixante-dix hectares, « nous n’avons pas non plus une très grosse exploitation. » Le couple a aussi orienté les activités de cette dernière à une période où la vie familiale a mobilisé beaucoup de son temps et de son attention. « L’atelier porcin n’était pas le plus rentable. Il était en même temps plus exigeant sur le plan physique. » Le choix de son un arrêt au profit d’une plus grande surface de bâtiments avicoles appuie une vision du métier : « Être agriculteur, c’est une chance, dans le sens où nous sommes nos propres patrons. Ceci implique que, d’une manière générale, nous avons toujours le choix. Nous ne pouvons donc pas être constamment débordés. Personnellement, à un moment de notre vie, nous l’avons été. Je sais que nous ne le referons pas, d’autant plus pour le boulot. »

Enrichir la vie des groupes

« Dans les choses que je n’aime pas ? Il y a les réunions où à la sortie, on se dit qu’on a perdu son temps. Je ne supporte pas trop », riposte Corinne Rottier tout en estimant que ces situations deviennent moins fréquentes. « Nos groupes et nos structures se sont bien améliorés de ce point de vue. » Pour autant, ils ont encore des dossiers auxquels s’atteler. Celui du renouvellement et de l’implication notamment. « Les gens qui ont du leadership et à apporter ont toute leur place dans les cuma et dans leurs structures fédératives. » Et l’administratrice adresse son incitation notamment aux agricultrices. Car si le thème de la mixité germe dans les volontés du développement agricole, force est de constater que peu de femmes trouvent aujourd’hui leur place dans les instances auxquelles l’avicultrice sarthoise apporte son énergie.

L’histoire d’une activité innovante

L’achat d’un broyeur de paille en 2019 répond à la demande d’aviculteurs souhaitant de la paille défibrée, plus absorbante, pour leurs litières. La filière de Loué notamment encourageait cette évolution. « La paille éclatée nous évite de repailler très tôt nos lots. Nous utilisons en même temps moins de paille », constate, cinq campagnes plus tard, la responsable d’activité de la cuma la Cigale.

L’activité réalise 400 h/an (rotor), soit un demi-poste de chauffeur, et augmente d’une quinzaine d’heures par an. Si le bouche-à-oreille explique en partie la progression, les idées nouvelles ne sont pas en reste. Les producteurs de volailles ne sont plus les seuls à s’intéresser au service. Des troupeaux bovins trouvent désormais la paille traitée par le broyeur de la Cigale dans leurs logettes, mais aussi dans l’auge : « On fait de la farine de paille », explique Corinne Rottier, en précisant que des démonstrations se construisent avec Seenovia pour présenter les intérêts, notamment en ration des vaches taries. « Le broyeur traite aussi du foin, de la luzerne… Nous avons aussi aujourd’hui des producteurs de biogaz qui commencent aussi à appeler. »

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