Quelles aides pour amortir le coût de la décarbonation ?

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Quelles aides pour amortir le coût de la décarbonation ?

Parmi les six méthodes validées par le ministère de la Transition écologique, l’Ecométhane induit une modification de l’alimentation des bovins pour une réduction du méthane entérique. (©DR)

Haies, couverts végétaux, additifs dans l'alimentation du bétail… certains dispositifs pour améliorer l'empreinte carbone de sa ferme représentent un coût non négligeable. Des solutions existent pour couvrir une partie des frais.

Les aides à la décarbonation sont indispensables. Car l’un des principaux freins à la décarbonation est économique. Le rapport du Shift Project sur le climat conclut en effet qu’une augmentation des coûts de production est inévitable pour une transition agricole à la hauteur des enjeux et qu’il faudra « accompagner » cette hausse.

Des pratiques qui peuvent minimiser les coûts

Certes, certaines pratiques peuvent améliorer les performances techniques et économiques des fermes. C’est le cas de la baisse de consommation d’énergie, d’un meilleur dimensionnement des outils ou encore du raccourcissement des périodes improductives des animaux. Par exemple, réduire de trois mois l’âge au premier vêlage d’une vache laitière correspond à 3 et 5 % d’empreinte carbone en moins et à une économie de 5 à 8 €/1 000 litres de lait, d’après Innoval.

Néanmoins, la plupart des leviers de décarbonation représentent un coût, ou du moins un risque, pour les agriculteurs. Réduire les apports de fertilisation azotée sur les cultures peut permettre de baisser ses émissions, et par la même occasion ses charges, mais rend aussi la production potentiellement plus sensible aux aléas.

Réduire les émissions sans augmenter les frais

« La décarbonation implique généralement un surcoût par rapport aux pratiques conventionnelles, qui pourrait peser sur la rentabilité des exploitations, notamment des plus émissives », explique un rapport du ministère de l’Économie de janvier 2025.

Le document liste plusieurs pratiques avec des « coûts d’abattement faibles ou modérés » et un « potentiel théorique de décarbonation important », comme l’agroforesterie, les haies et les couverts intermédiaires. En élevage, les techniques sont généralement plus coûteuses (méthanisation, gestion des effluents, modification de l’alimentation…).

À l’échelle des filières, les chiffres sont colossaux. Il faudrait investir entre 2 et 3 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2030 rien que pour la décarbonation des fermes laitières, d’après les différents collèges de l’interprofession (Cniel).

les couverts végétaux aident à la décarbonation de l'agriculture

Destruction de couverts végétaux. Ces derniers représentent un potentiel de décarbonation important. (©Entraid)

Des aides publiques pour la décarbonation

Pour ne pas supporter seuls ces coûts, les agriculteurs ont plusieurs options. D’abord, les financements publics. Certains dispositifs, comme l’installation de méthaniseurs ou la plantation de haies, font l’objet d’aides de l’État.

La PAC encourage également des pratiques bénéfiques pour le climat, via les éco-régimes (diversification des cultures, maintien des prairies permanentes, couverture végétale, haies) et les MAEC.

Dans certaines régions, il existe une MAEC spécifique « bas-carbone ». Cette aide forfaitaire de 18 000 euros est soumise à un objectif de résultat : réduire de 15 % ses émissions en cinq ans.

Des dispositifs de paiements pour services environnementaux (PSE) mis en place localement par des agences de l’eau et des collectivités intègrent des critères sur le carbone.

Du côté du privé

Les agriculteurs peuvent aussi se tourner vers des financeurs privés. Le label bas-carbone, créé en 2018, permet à des groupes d’agriculteurs de vendre des crédits carbone (ou certificats carbone) pour financer leurs projets.

Six méthodes ont été validées par le ministère de la Transition écologique qui porte le label :

  • Carbon’Agri (réduction des émissions en élevage bovin et grandes cultures) ;
  • Grandes cultures (intégration des légumineuses, réduction des énergies fossiles) ;
  • Plantations de vergers (séquestration du carbone) ;
  • Haies (séquestration) ;
  • Ecométhane (modification de l’alimentation des bovins pour une réduction du méthane entérique) ;
  • Sobac’Eco TMM (réduction des intrants de synthèse et organiques).

Le carbone ne décolle pas

Environ 3 500 exploitations sont engagées dans des projets bas-carbone. Des mandataires font l’intermédiaire entre les agriculteurs et les clients.

Le plus important, France Carbon Agri, est une société issue de la profession agricole qui revendique 2 800 agriculteurs engagés.

En 2024, FCA s’est associé au Crédit Agricole pour créer la plateforme Carbioz afin de donner plus de visibilité aux projets qui peinent parfois à trouver des acheteurs face à la concurrence des projets étrangers.

Les haies interviennent dans la décarbonation

La plantation de haies peut faire l’objet de financements publics. (©DR)

La certification carbone n’est pas la formule magique qui permettra de financer toutes les fermes françaises. En effet, le marché reste confidentiel et les prix, élevés par rapport aux crédits non européens, sont insuffisants pour financer les projets.

« Le crédit carbone couvre au mieux 20 % du coût de la transition », estime Jean-Marc Lévy, cofondateur de la société Carbone Farmers qui se positionne à la fois sur les crédits carbone et les primes de filière. « Avec le crédit carbone et une prime versée par le collecteur sur une ou deux productions, on s’approche du coût réel », poursuit-il.

Lorsque les projets trouvent preneurs, les crédits carbone sont utiles pour rémunérer des pratiques qui ne sont souvent pas valorisées dans le prix de vente des produits, comme l’agriculture de conservation des sols. Céréalier à Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres), Benjamin Audé fait partie d’un projet porté par l’Association pour la promotion d’une agriculture durable (Apad). « Nous allons arriver au terme des cinq ans. Chaque exploitation va recevoir une partie du pot commun en fonction de son niveau de séquestration carbone », explique-t-il.

En dehors de la labellisation bas-carbone, des agriculteurs ont recours à des plateformes de financement participatif comme Miimosa.

Des primes de filière

Des financements sont aussi à aller chercher auprès des transformateurs. Contraints de rendre des comptes sur leurs émissions indirectes, les industriels créent des primes pour valoriser des pratiques vertueuses pour l’environnement (biodiversité, vie des sols, eau, carbone…). Par exemple, la plupart des laiteries achètent un peu plus cher le lait des fermes qui s’engagent à respecter un cahier des charges précis. Dans le cas de Bel, les éleveurs sont incités à inclure dans la ration des bovins un additif permettant de réduire les émissions de méthane entérique, pour une prime entre 12 et 25 €/1 000 litres. Pour les coopératives laitières, la prime est plutôt de l’ordre de 5 €.

Certaines coopératives lancent leurs propres filières, c’est le cas d’Euralis avec sa démarche Gaïa dont le cahier des charges couvre, entre autres, le carbone, avec une prime à la clé pour les agriculteurs engagés (entre + 5 et 15 € la tonne de maïs).

L’enjeu pour accélérer la décarbonation des filières sera de parvenir à répercuter ces coûts vers les clients et, certainement, le consommateur final.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :

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