Coup de pouce financier avec la compensation agricole

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Coup de pouce financier avec la compensation agricole

Le maître d’ouvrage d’un projet d’infrastructure, telle que la création de route, doit proposer des compensations en proportion de l’emprise foncière occasionnée.

Les collectifs agricoles de type cuma peuvent ambitionner un appui pour financer leur projet via le dispositif de « compensation agricole collective ». Celui-ci s’impose lorsqu’un ouvrage local de grande ampleur concourt à l’artificialisation des sols agricoles.

C’est un outil dont on n’en entend peut parler mais qui peut représenter un sacré coup de main pour financer un projet collectif : la compensation agricole. La loi d’avenir pour l’agriculture de 2014 a instauré en effet une obligation de compensation collective, en contrepartie des conséquences négatives sur l’économie agricole locale que peuvent avoir certains projets d’aménagement ou de construction. Cela peut être par exemple des projets d’aménagement routier, d’infrastructures publiques ou de mise en place d’une zone de production photovoltaïque, qui empiètent sur les zones affectées à l’activité de production agricole.

Compensation agricole : tous les terrains en zone A ou N concernés

Tous les terrains situés sur une zone définie A ou N dans le plan local d’urbanisme, valorisée par une activité agricole, sont concernés. Les seuils à partir desquels s’applique la compensation agricole diffèrent d’un département à l’autre : 1 ha comme dans les départements de la région parisienne, 3 ha ou 5 ha. Ces types d‘ouvrages sont soumis à une étude préalable : description du projet et délimitation du territoire concerné, analyse de l’état initial de l’économie agricole, études des effets positifs et négatifs du projet sur celle-ci, mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs du projet.

Enfin, le maître d’ouvrage devra proposer les mesures de compensation collective qu’il envisage pour consolider l’économie agricole. Celles-ci pourront financer des investissements en matériel de production, mais aussi la réalisation d’études.

Plusieurs champs d’activité sont potentiellement éligibles aux mesures de compensation collectives. Cela peut être des améliorations foncières (ex : échanges amiables de terres agricoles), la création de nouveaux outils de transformation en circuits courts (ex : atelier de découpe), d’ouverture de magasins en vente directe, d’adaptation au changement climatique, de projets agro-touristiques, de production d’énergie renouvelable comme la méthanisation, d’aide à la transition agroécologique, d’ateliers mécaniques collectifs…

L’exigence est que les sommes versées procurent une réelle valeur ajoutée au territoire. Toutefois, les départements ont des appréciations différentes sur les types de projets finançables au titre de la compensation collective. Il est à noter que les projets agricoles qui ne peuvent pas être financés par d’autres aides sont susceptibles d’être plus facilement retenus.

Réservés aux collectifs

Le maître d’ouvrage du projet doit proposer des compensations à la hauteur de l’emprise foncière occasionnée. Ensuite, la CDPENAF, commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (1) et le Préfet vont émettre un avis sur la recevabilité des mesures de compensation envisagées. Un ouvrage d’aménagement soumis à compensation pourra donner lieu à des mesures fléchées pour différents usages. Seuls les projets portés par des collectifs (coopératives, GIE, associations, cuma…) ou des exploitations engagées dans une démarche collective, peuvent y prétendre. « Les cuma étant des structures regroupant plusieurs exploitants, peuvent être bénéficiaires de ces fonds », précise la fncuma. D’ores et déjà, plusieurs cuma (Cher, Aisne, Moselle, Rhône…) ont déposé des dossiers pour bénéficier de ce dispositif, comme la cuma Arc-En-Ciel dans l’Indre et Loire (voir encadré).

En pratique, deux situations vont pouvoir se présenter.

  • Soit le maître d’ouvrage va prendre contact avec une cuma, et ce qui aura été convenu (type de matériel, délai d’action…) entre la cuma et le maître d’ouvrage sera présenté dans l’étude préalable réalisée par le maître d’ouvrage. Par exemple, l’achat de matériel d’entretien de haies et d’agriculture de conservation au travers d’une cuma entre bien dans le cadre d’un projet collectif et a un impact positif sur l’économie agricole.
  • Soit le maître d’ouvrage dépose la somme compensatrice sur un fonds (par exemple, à la caisse des dépôts ou dans une structure dédiée type GIP), puis un comité ad hoc, composé du maître d’ouvrage et de la CDPENAF, décidera des projets collectifs à retenir. Une des difficultés rencontrées sera de faire coïncider le calendrier relatif au projet compensation de l’aménageur, avec celui de la cuma.

50 % de la subvention publique au compte de résultat

Les montants de compensation vont de 0,2 jusqu’à 30 €/m2, selon les observations du cabinet Cetiac, qui accompagne les maîtres d’ouvrage dans la recherche de mesures de compensation collectives. L’affectation comptable des sommes allouées dépend du statut du maître d’ouvrage : collectivité publique ou entreprise privée. Dans le premier cas, seulement 50 % maximum de la subvention sera porté au compte de résultat, au même rythme que l’amortissement du bien subventionné (le solde des subventions publiques reste en réserve indisponible).

S’il s’agit d’un maître d’ouvrage privé, la totalité de la subvention est amortissable. Le dispositif de la compensation agricole est susceptible de se restreindre dans les prochaines années avec les injonctions de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) des sols.

Pour Philippe Martinot, secrétaire général de la fncuma, les cuma doivent être attentives à repérer les projets d’aménagement susceptibles de générer des mesures de compensation agricoles auxquelles elles pourraient prétendre, pour financer leurs propres projets. « Dans ce cas de figure, je les invite à prendre contact rapidement avec leur fédération de cuma de proximité. »

Exemple : près de 50 000 € pour un projet d’atelier en Indre-et-Loire

Franck Mallet, agriculteur à Charnizay dans le sud du département d’Indre-et-Loire, a été impacté par un projet d’installation de panneaux photovoltaïques sur une friche, empiétant sur l’une de ses parcelles de 5ha destinée à la production fourragère. Ce projet a donné lieu à une indemnisation individuelle de l’agriculteur concerné. Ainsi qu’au déblocage d’une enveloppe de compensation agricole globale de 283 000 €.

Franck Mallet, par ailleurs membre de la commission urbanisme à la Chambre d’agriculture et siégeant par ce biais à la CDPENAF, a fait le relais avec le projet de sa cuma locale, l’Arc-En-Ciel : « Nous avons saisi l’opportunité de ce dispositif pour nous aider à financer notre projet de création d’un atelier d’entretien et de réparations de matériels agricoles, concomitant à un projet de création d’emploi », explique Frédéric Cadieu, le président de la cuma. Avec l’appui de Sylvie Lhéritier, de la frcuma Centre, la cuma a monté le dossier d’éligibilité au fonds de compensation agricole. L’Arc-En-Ciel devrait donc bénéficier d’un sérieux coup de pouce financier pour aménager son atelier. En Indre-et-Loire, les premiers dossiers ont obtenu jusqu’à 80 % de subvention, comme à la cuma de Saint-Bauld pour l’achat en 2021 d’une faucheuse-andaineuse d’occasion.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :

(1) La CEDEPENAF est composée de plusieurs acteurs : syndicats agricoles, chambre d’agriculture et Safer, propriétaires ruraux, chasseurs, Inao, associations environnementales.