Vers un déséquilibre du marché de la pomme de terre ?

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Vers un déséquilibre du marché de la pomme de terre ?

Le prix de l'électricité nécessaire pour alimenter les réfrigérateurs qui conservent les plants de pommes de terre a augmenté de 70 %.

La hausse des coûts de production de pommes de terre a été plus ou moins répercutée sur les contrats et prix de vente. Celles destinées à la transformation industrielle sont mieux valorisées que les plants ou encore les variétés destinées aux féculeries. La filière craint un déséquilibre.

En production de pommes de terre, il y a ceux qui profitent des prix élevés et des contrats revalorisés… et il y a les autres. Pour les premiers, dont leurs pommes de terre sont destinées à l’industrie, la conjoncture leur est plutôt favorable. Avec, pour la plupart, des contrats 2023 qui semblent compenser globalement la hausse des charges. L’UNP, union nationale des producteurs de pommes de terre, estime cette hausse entre 30 à 45 % selon les industriels.

Baisse de la production de pommes de terre

Pour ceux qui produisent des plants ou des variétés féculières, le son de cloche est un peu différent. Et cela peut avoir tendance à créer un déséquilibre au sein de la filière. En effet, la filière féculière essuie depuis plusieurs années des situations ardues. En 2021, avec le covid, les producteurs ont dû faire face à des prix qui se sont effondrés. Et pour ne rien arranger, la sécheresse de 2022 a diminué les rendements à 39,5 t/ha.

À ce propos, l’UNPT  alerte. « Depuis, la production a baissé de 28 % en un an. Les producteurs se questionnent, légitimement, quant à l’avenir de la production française de pommes de terre de fécule. L’année 2023 inaugurera une nouvelle baisse d’environ 15 % avec 2 500 hectares de moins. »

Des aides qui ne viennent pas

Pour tenter de maintenir cette production et l’approvisionnement des usines, les producteurs demandent, en vain, de revaloriser les aides couplées à la production de pommes de terre fécules à hauteur de 500 €/ha au lieu de 80 €/ha actuellement.

L’autre filière, celle des plants, est en réflexion. La revalorisation des contrats pour les plants de pommes de terre est jugée inadéquate en comparaison des hausses des charges de production que les producteurs subissent. « Nous stockons 1 000 tonnes de plants de pommes de terre entre octobre et mars, explique Charles Tardieu, producteur de plants. Ceux-ci sont placés dans des réfrigérateurs alimentés en électricité. Si nous n’avons pas trop subi la hausse des intrants cette année, celle du GNR et de l’électricité impacte fortement notre activité. »

Dominique et Charles Tardieu

Dominique et Charles Tardieu, producteurs, vont conserver les surfaces destinées aux plants de pommes de terre.

Si le cas de l’un n’est pas le cas de l’autre, il n’empêche que cet agriculteur a calculé : le prix de l’électricité a bondi de 70 % pour la campagne en cours. « Cette année, nous sommes obligés de refroidir de 0,5 à 1 degrés supplémentaire par rapport aux années précédentes, car les pommes de terre ont une germination nerveuse, précise-t-il. Nous avons également 200 tonnes en plus à conserver. Ce sont nos deux variétés féculières qui, d’habitude, sont stockées chez les producteurs. »

+ 80 à 100 €/t

Sur ce point, rien n’est clair. Est-ce que les contrats en fécule ne sont pas encore signés et la marchandise pas débloquée ? Ou un coût de stockage trop élevé pour les producteurs ? Quoi qu’il en soit, cet agriculteur va tenter de maintenir ses surfaces emblavées pour 2023. « On pensait réduire nos surfaces, mais nous avons contractualisé de nouveaux contrats avec d’autres obtenteurs, explique t-il. La hausse répercutée sur les prix n’est pas suffisante chez certains obtenteurs. »

Selon lui, avec les prix en hausse des intrants, des engrais et de l’huile pour lutter contre les pucerons, de la main-d’œuvre et de l’électricité, « il faudrait une hausse supplémentaire de 80 à 100 €/t. » De quoi assurer le coût, l’expertise nécessaire à ce type de production, le risque et l’engagement. « Au vu de certains contrats, on se demande s’il est encore utile de s’embêter à produire des plants. Ici, il n’y a que les producteurs qui prennent des risques ! »

C’est ce même ressenti qu’essaie de véhiculer l’UNPT. « Le secteur pourrait perdre au moins 5 000 hectares à l’échelle du nord de l’Europe, estime-t-elle. Ce qui entraînerait une perte de savoir-faire, des manques de plants et donc des prix plus élevés pour les producteurs de consommation dès le printemps 2024. » Et d’alerter, « les producteurs de plants, comme ceux de pommes de terre féculière déjà en grandes difficultés, pourraient de leur côté désengager une partie de leurs surfaces pour produire à destination de la transformation alimentaire. »

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