Le vin de demain poussera sous des panneaux solaires

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Le vin de demain poussera sous des panneaux solaires

Première parcelle de vigne à avoir reçu une couverture photovoltaïque au domaine Nidolères des Escudié, à Tresserre dans les Pyrénées-Orientales. (©VG)

Sous le soleil de plomb de Tresserre, dans les Pyrénées-Orientales, Pierre et Martine Escudié ont fait bâtir et planter deux parcelles vitivoltaïques. De quoi maintenir et revaloriser les terres et la production de vin.

« Ce n’est que du positif. » Après une première couverture finalisée en 2018, Pierre et Martine Escudié ont à nouveau signé en 2023 pour 30 ans une seconde parcelle de vigne abritée de panneaux photovoltaïques. Retour sur leur projet autour du vitivoltaïsme.

À Tresserre, la vigne passe à l’agrivoltaïsme

Vignerons au domaine de Nidolères sur plus de 30 ha, à Tresserre, dans les Aspres, dans les Pyrénées-Orientales, ils conseillent même ce type de projet. « Pour moi, face au réchauffement climatique, c’est une évidence », confie Pierre Escudié.

Au total, un peu plus de 8 ha ont fait l’objet d’aménagements en deux temps. Avec, pour chaque phase, la plantation du vignoble une fois les travaux terminés. Grenache blanc, chardonnay et marselan ont été plantés sur le premier projet. Sinsault et colombard dans le second.

Les Escudié ont choisi le vitivoltaïsme pour leur domaine viticole

Pierre et Martine Escudié devant la deuxième parcelle de vigne aménagée en couverture photovoltaïque sur leur domaine Nidolères, à Tresserre (66) .(©VG)

Un total de 3 MWc de puissance installée pour le vitivoltaïsme

La seconde installation diffère de la première à plusieurs égards. D’une part, les poteaux de soutien à la structure photovoltaïque ne sont pas sur les rangs de vigne. En effet, pour faciliter le travail mécanique, ils se trouvent au centre d’inter-rangs plus larges.

« Alors que la première parcelle est plantée en 2,25 m, avec les poteaux sur le rang, la seconde parcelle l’est en 3,5 m environ quand il y a les poteaux au milieu de l’inter-rangs. Et en 2,25 m quand il n’y a pas de poteaux. Au final, nous avons fait en sorte que la densité de pieds soit à peu près équivalente. »

Résultat : prétailleuse comme écimeuse, pulvérisateur et machine à vendanger peuvent être passés sans gêne.

Amélioration de l’installation photovoltaïque

Autre changement, les panneaux photovoltaïques installés 5 ans après sont des bifaces. Ils produisent donc sur leurs deux côtés. Dans les deux cas, ces installations ne fournissent aucun revenu lié à la production d’électricité aux vignerons. Et pas plus de redevance annuelle ou de loyer.

La contrepartie pour Pierre et Martine Escudié est la revalorisation de parcelle et de friche et la poursuite de l’activité en protection climatique. Ils ont aussi obtenu une aide à l’investissement, pour l’achat des plants et l’irrigation. « Soit 5 à 10 000 €/ha », précise Sun’Agri, l’entreprise à l’origine du projet « vitivoltaïque ».

Vitivoltaïsme : les panneaux s’adaptent à la vigne et non l’inverse

Tous les jours, les panneaux travaillent pour la vigne du débourrement à la vendange. « On donne à la vigne ce dont elle a besoin au moment où elle en a besoin, décrit Pierre Escudié. Je demande de la lumière au débourrage, jusqu’en juin, puis selon les besoins. »

Des dizaines de capteurs sont installés pour contrôler le climat et le développement végétatif. Les données récoltées, température, ombrage, humidité de l’air et du sol, croissance des feuilles et sarments, etc., font tourner les calculateurs de Sun’Agri.

La société spécialisée utilise plusieurs programmes de réglages des panneaux pour chaque cépage et pour chaque stade végétatif.

Un abri climatique, mais qui n’arrête pas tout

Ainsi, lors des années chaudes de 2022 et 2023, « la vigne a moins grillé. Elle a bénéficié d’ombre de 12 à 18 heures. Elle se porte à merveille ! » Un résultat d’autant plus important que, faute d’eau, l’irrigation a dû être fortement dégradée sous les panneaux comme sur le témoin.

En revanche, il n’y a pas d’effet probant des panneaux en termes de protection sanitaire, pointe le vigneron certifié HVE. « Il y a eu quelques pluies l’an dernier. Nous avons traité de la même manière sous les panneaux contre le mildiou ou l’oïdium que dans les parcelles voisines. »

Pierre Escudié observe aussi qu’en période de risque de gel, l’air sous les panneaux mis à plat est à 1 °C, voire 1,5 °C plus chaud.

Rendement et qualité assurés grâce au vitivoltaïsme

Côté résultats agronomiques, la première récolte de raisin « vitivoltaïque » est le millésime 2021. Depuis, quatre campagnes ont été réalisées. « Ce n’est que du positif, estime Pierre Escudié. Le rendement est maintenu par rapport à la parcelle témoin non couverte qui souffre plus.

Ces dernières années, ce fut même accentué à cause des difficultés en irrigation. Nous avons un forage, mais il n’y a plus d’eau. Nous avons dû diminuer nos apports d’eau de 30 à 40 %, sous les panneaux comme sur le témoin. »

Côté qualitatif, « il y a un degré alcoolique en moins sous les panneaux par rapport à la vigne témoin, et à la même date. On a toujours observé pour la parcelle abritée un meilleur équilibre entre acidité et alcool. Surtout pour les vins blancs. C’est qualitativement très correct pour nos cuvées de cépages. On arrive à sortir d’excellents vins de 12 à 13 degrés, contre 14° auparavant. »

Le vitivoltaïsme ne fait pas oublier la crise

L’expérience positive que retiennent les Escudié de ces 6 ans dans le vitivoltaïsme compense en partie les difficultés du moment dans la filière et dans ce secteur. Certes, l’eau manque depuis plusieurs années. Mais surtout, la crise que traversent les vins du Languedoc-Roussillon ne les épargne pas.

« Toute la récolte de 2023 était encore en cave l’an dernier. Nous n’avons pas vendangé, le raisin a été acheté sur pied. » Alors la protection climatique amortit un peu le choc. « Vu le réchauffement climatique chez nous, il fallait et il faut prendre des mesures. Sinon il n’y aura plus de vigne. »

Avant et après la loi de 2023

Le premier projet de Tresserre construit en 2017 est un démonstrateur. Le coût d’investissement est donné par Sun’Agri à près de 4 M€ pour 4,5 ha. Dont 80 % d’apport en fonds propres de Sun’R, société mère de Sun’Agri (les sociétés sont aujourd’hui propriété du groupe Eiffage), et de dettes bancaires levées auprès de BPI France et du Crédit Coopératif et 20 % d’aides de la Région Occitanie. Ce financement est spécifique à ce projet pionnier et vitrine. « C’est le premier dispositif mondial en viticulture, avec 12 modalités testées en temps réel. »

Le second projet agrivoltaïque de Nidolères a demandé un investissement de 3,60 M€ pour 3,8 ha couverts. L’investisseur est la structure Râcines, une plateforme de financement vert dédiée aux projets agrivoltaïques. RGreen Invest, une société de gestion privée, entreprise à mission et un fonds régional (Arec Occitanie, fonds régional Occitanie pour la transition énergétique) en sont aujourd’hui les coactionnaires.

Et il y a aussi de la dette bancaire. « Cette dernière forme de financement devient financement standard, explique Sun’Agri. C’est une société de gestion de projets, du co-actionnariat de long terme, si possible public et local et privé, et le soutien des banques. »

Le partage de la valeur sur la table

Sauf projet ou enjeux de recherche et développement agronomiques spécifiques, Sun’Agri ne se déclare pas investisseur dans les projets agrivoltaïques qu’il accompagne. « La société se positionne comme un tiers indépendant au service de l’agriculteur, décrit Alexandre Cartier, responsable viticulture chez Sun’Agri. Elle l’accompagne dans la réussite de son projet :

  • Projet agronomique ;
  • Structuration économique, juridique et administrative du dossier ;
  • Recherches et solutions de financements à la carte.

L’entrée au capital des sociétés agrivoltaïques est proposée prioritairement à l’exploitant agricole bailleur du projet, qui peut, selon sa capacité et son souhait, devenir co-actionnaire de son projet de 0 à 100 %. En pratique, une minorité ont cette capacité ou font ce choix d’investir à long terme dans la structure, au moment même où ils investissent dans la plantation ou des systèmes de filets, d’irrigation, etc.

C’est pourquoi, aujourd’hui, le partage de valeur créée se fait aussi avec des solutions d’aide à l’investissement initial au vignoble (sur les plants ou l’irrigation) ou sous la forme de redevance annuelle ».

Vitivoltaïsme : configuration sur site

En 7 ans, aucun souci de structure. « Malgré le vent de sud qui peut être fort et tourbillonnant, l’ensemble est solide, dit Pierre Escudié. Les deux projets présentent la même couverture et la même largeur de panneaux ».

La hauteur de la structure soutenant les panneaux est de 4,5 m. Pas moins de 7 850 panneaux monofaces sont installés sur la première tranche.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com

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