Gaz à effet de serre vs élevage de ruminants

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Gaz à effet de serre vs élevage de ruminants

En matière d'empreinte carbone, certains élevages herbivores sont plus efficients que d'autres.

Les éleveurs de bovins sont désignés comme étant responsables du réchauffement climatique, en raison des émissions de gaz à effet de serre de leurs animaux. La réalité est plus nuancée. La filière est décidée à atténuer le phénomène tout en rappelant que l’élevage demeure une activité incontournable.

Le Space 2022 a mis l’accent, au cours de sa 36e édition, sur les changements climatiques en cours et leurs impacts sur l’élevage. Les organisateurs ont programmé, le 14 septembre, un débat intitulé: «Les herbivores, source de solutions». On assiste en effet à une véritable «mise en accusation» de l’élevage herbivore. Il est suspecté de rejeter près de 50% du CO2 émis par le secteur agricole. Qui lui-même représente 19% des émissions totales de gaz à effet de serre émis en France, selon le dernier rapport annuel du Haut conseil pour le climat.

Les émissions de gaz à effet de serre bien documentées

Les éleveurs se sentent chargés d’une lourde responsabilité au regard de l’opinion publique. Sans que les tribunes médiatiques laissent une place suffisante aux analyses plus approfondies des scientifiques. Jean-Louis Peyraud, directeur de recherches à l’Inrae, insiste justement pour redonner sa juste place à ce débat de société. Les émissions de gaz à effet de serre commencent en effet à être bien documentées. Même si le sujet est toujours l’objet de travaux de recherche. Par exemple sur le cycle de vie du méthane CH4 émis par les bovins dans l’atmosphère, qui serait bien plus court que celui du dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique. D’autre part, si l’élevage fait partie des causes, il figure aussi parmi les solutions.

Une cause et une solution aux émissions de GES

Ainsi, les prairies qu’exploitent les herbivores constituent l’un des principaux puits de carbone. Certes, il faut davantage de surface pour produire un kilo de protéines sous forme de viande de bœuf que sous forme de protéines végétales ou même de viande de porc ou de volaille. Cependant, seuls les ruminants peuvent valoriser les terres non labourables qui ne peuvent pas produire de céréales consommables par l’homme.

Idem pour certains déchets agroalimentaires: seule l’alimentation animale peut valoriser une bonne partie des pulpes de betteraves ou des drêches d’orge et de blé disponibles. Ajoutons aussi la fertilisation organique produite par les ruminants. Elle constitue une source d’engrais naturel avantageuse économiquement, agronomiquement et écologiquement, par rapport à l’achat d’engrais minéraux.

Enfin, la diminution radicale de l’élevage bovin dans certaines zones spécialisées engendrerait potentiellement des conséquences très néfastes sur les territoires concernées. En terme de vitalité à la fois économique et sociale. La décapitalisation de l’élevage allaitant est déjà en cours. «En 5ans, le cheptel bovin français a diminué de 10%. Cette baisse commence à se faire sentir sur les volumes de viande», analyse l’Idele. Cela fait 260.000 vaches laitières et près de 390.000 vaches allaitantes par mois! «Or, en l’absence d’élevage, qui entretiendra le territoire?» questionne le chercheur de l’Inrae.

Maîtrise de la fécondité, additifs, légumineuses, génétique… Des pistes

Benoît Rouillé, ingénieur à l’Idele, a évoqué certaines pistes pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre. Notamment, l’éventualité de baisser les effectifs tout en gardant le même niveau de production. Cela permettrait de diminuer de 15% les émissions de GES des élevages ruminants. Ramené au litre de lait ou au kilo de viande, l’émission de GES peut être nettement moins élevée dans les systèmes d’élevage plus productifs. Pour cela, il est envisageable de réduire le temps «improductif» de l’animal sur l’exploitation. Par exemple, abaisser l’âge de vêlage jusqu’à 24 mois.

L’ingénieur de l’Idele avance aussi les recherches entreprises sur l’incorporation d’additifs alimentaires dans les rations. À la clé, on pourrait réduire jusqu’à 30% les émissions pour une production semblable. On cite à ce propos les substances élaborées à partir d’algues. Attention toutefois à ne pas se départir de «l’image naturelle» de l’alimentation animale, au risque de brouiller la confiance du consommateur…

Une sélection des ruminants dégageant moins de méthane

Ajoutons aussi l’impact désastreux sur l’environnement que constitue l’importation de tourteaux de soja. C’est à l’origine de la déforestation de régions entières d’Amérique du Sud. Là aussi, des alternatives se dessinent en favorisant la production locale de légumineuses capables de couvrir les besoins protéiques des cheptels.

A découvrir: Soja: intérêts et limites face au changement climatique.

Enfin, à plus long terme, un travail de sélection animale pour détecter les ruminants capables de dégager moins de CH4, fait partie des pistes. Les recherches épigénétiques permettraient à terme d’améliorer le microbiote présent dans le rumen des bovins, de manière à réduire la quantité de méthane entérique rejeté par l’animal. Un éleveur bovin Angus, présent au débat, cite les différences qui existe déjà entre les races. Certaines d’entre elles parviennent à bien valoriser le nombre de kilos de MS ingérée, grâce à leur aptitude bouchère. Avec au final un meilleur bilan carbone ramené au kilo de viande produite.

Débat au Space le 14 septembre. Sur la photo, de g. à d.: Loïc Guines, éleveur et président de la Chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine, Benoît Rouillé, ingénieur à l’Idele, Axel Bigot, directeur RSE du groupe Lactalis, Sébastien Valteau, producteur de viande bovine, président d’Interbev Pays de la Loire, et Jean-Louis Peyraud, directeur de Recherches à l’Inrae.

Meilleur bilan carbone avec les haies et la production d’énergie

Sébastien Valteau, président d’Interbev Pays de la Loire, a relaté sa propre expérience d’éleveur naisseur-engraisseur de Parthenaises à Marigné (49). Sur 125ha, il compte 100 mères et 200 places d’engraissement. Pour bonifier son bilan carbone, il a successivement:

  • Recouvert tous ses bâtiments d’élevage de panneaux photovoltaïques (près de 4.000m2 au total).
  • Replanté des haies qui produisent autour de 150t de bois déchiqueté utilisées pour une chaufferie collective. Ce qui lui génère un revenu de 2.500€.
  • Travaillé sur la conduite d’élevage lui permettant de réduire la durée d’improductivité.
  • Substitué à l’achat extérieur d’aliments du bétail, la valorisation de déchets de pomme de terre disponibles localement, qui constitue un apport important d’amidon dans la ration.

Multiplier les diagnostics carbone

Toutes ces orientations concourent à améliorer le bilan carbone. Le représentant professionnel promeut la réalisation de diagnostics carbone de type CAP2R sur les exploitations, couplés avec une analyse économique. Avec un constat: en général, plus on est efficient du point de vue du bilan carbone de l’exploitation, plus on est efficient également du point de vue économique!

Sébastien Valteau est conscient de cet enjeu auprès des consommateurs. Il reprend cette formule parlante: « aimez la viande, mangez-en mieux! » Pour l’instant, les ménages privilégient dans leurs achats le goût et le prix, selon une étude récente. Loin devant l’impact environnemental. Mais cela pourrait très vite changer…

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